• Inception, de Christopher Nolan (USA, 2010)

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inception-6Où ?

Au Max Linder Panorama

Quand ?

Vendredi soir, à 19h

Avec qui ?

Mon amie cinéphile

Et alors ?

 

Quand il n’est pas en service commandé pour la Warner à réaliser des Batman qui assoient l’excellence de la franchise et remplissent les caisses du studio, Christopher
Nolan aime porter sur l’écran des tours de passe-passe cérébraux virtuoses et déstabilisants : Memento, Le prestige, Insomnia même qui est un remake mais trouve naturellement sa
place dans cette thématique. Inception est arrivé précédé de la promesse d’être le film cérébral ultime de son auteur,
une œuvre qui allait à la fois nous torturer les méninges et nous en mettre plein la vue – puisque suite au succès gigantesque de  The dark knight, la Warner a cette fois laissé carte blanche à Nolan pour faire son numéro de prestidigitateur avec un budget
illimité plutôt qu’en catimini. Il devait certainement y avoir en bas du contrat des clauses écrites en petits caractères de nature à transformer un deal de rêve en pacte faustien, car
Inception n’est pas le film personnel à 200 millions de dollars que l’on attendait ; c’est un blockbuster très cher et très clinquant comme les autres.

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Comme c’est fréquemment le cas, les plus grands maux viennent du scénario. L’imagination, la complexité, et toute autre forme d’ambition sont absentes de celui
d’Inception – ce qui ne manque pas de surprendre de la part de Nolan, dont les scripts font habituellement partie des plus subtils et féconds du milieu hollywoodien. La
réduction à peau de chagrin des protagonistes, des enjeux et des ramifications de l’histoire d’Inception prend dès lors (peut-être à tort) des airs de censure, imposée
par le studio ou par Nolan lui-même, dans le but d’assurer l’investissement réalisé. Tout est composé et agencé pour ne perdre absolument aucun spectateur en route, par ce même mécanisme de
nivellement par le bas des ambitions et des risques qui sape la majorité de la production venant de Los Angeles. La première heure est ainsi un modèle de frustration : s’y déverse un flot
ininterrompu de baratin à consonance technologique par lequel les personnages s’expliquent les uns aux autres (avec en réalité comme seule finalité de s’adresser au public) comment fonctionne
leur entreprise d’intrusion dans les rêves, et quelles règles la circonscrivent. La démarche est artificielle et anti-cinématographique, elle transforme les personnages en notices parlantes et
ôte tout allant au film. Inception fait tout le contraire de ce qu’il faut faire, et que d’autres films récents traitant de mondes irréels où tout est possible
(Matrix, Summer wars ) faisaient : faire vivre ces
mondes et non les expliquer. La vision de Paris se repliant sur soi-même abondamment exploitée dans la bande-annonce et l’affiche du film est une exception, une arnaque presque tant elle diffère
du reste.

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Une fois la mission, le mode opératoire et les obstacles exposés sous toutes les coutures, Inception poursuit son programme a minima en ne parlant que de ces choses-là.
Il rajoute bien en chemin de nouvelles entraves, et de nouvelles solutions pour les surmonter, mais cela ne fait que générer de nouveaux tunnels de dialogues à n’en plus finir et ne détourne en
rien le film de sa lénifiante linéarité. Tout comme l’équipe de braqueurs de rêves ne fait que son travail, avec gravité et rigidité, Inception se contente de mener à
bon port ses très faibles enjeux de départ, sans la moindre étincelle de folie, d’imprévu. Cette indigence vaut pour le scénario – aucun twist, aucune révélation, aucune trahison… –
comme pour le spectacle et sa mise en scène. La quasi-totalité de l’action du film se résume à des fusillades sans fin, basiques à tous points de vue. Inception ne
projette pas le blockbuster dans le futur mais le ramène vingt ans en arrière, quand ceux-ci n’étaient rien de plus que des dragsters rutilants et surarmés mais incapables d’aller bien
loin ni de prendre le moindre virage. Le niveau de rêve se déroulant dans l’hôtel fait bande à part, mais le concept de se battre en apesanteur ou en marchant sur les murs et au plafond n’a quand
même rien de vraiment neuf, et une fois encore la seule véritable image forte (les corps inanimés attachés les uns aux autres en un seul « paquet » flottant dans les airs) avait été
opportunément éventée en amont de la sortie du film.

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De toute manière, même cette séquence n’échappe pas à son lot d’explications et de commentaires qui plombent tout. Et elle souffre comme les autres du mal fondamental du film, qui expurge le
monde des songes de toute émotion, de toute illusion, de toute chimère (hormis pour en faire des gadgets qui amusent la galerie : le coup de l’escalier infini).
Inception est froid, pauvre, cadenassé de partout au lieu d’être ouvert et aventureux. Au milieu de cet océan de palabres et de fusillades, les quelques bonnes idées qui
apparaissent fugacement confirment que Nolan est purement et simplement passé à côté de son film rêvé. Ces idées concernent principalement le héros Cobb (DiCaprio, dans un rôle presque photocopié
de  Shutter
Island
– tares incluses). Il est de toute manière le seul personnage à ne pas être rejeté dans le décor par sa transparence, une déception de plus car parmi les seconds
couteaux Ellen Page, Joseph Gordon-Levitt ou Cillian Murphy semblaient d’attaque pour en découdre avec des rôles autrement plus complexes. Pour en revenir à Coob, le dérangement de son
subconscient par les réminiscences de son épouse disparue (elle surgit tel un virus dans un programme informatique), sa tentative de créer une prison de souvenirs précis dans laquelle l’enfermer
étaient des pistes originales, singulières, visuellement engageantes. Elles restent sous-exploitées, étouffées par le trivial récit principal. Et le vertige émotionnel et mental qui venait briser
l’écrin faussement parfait de Memento ou du Prestige, et ainsi leur donner toute leur valeur, reste dans Inception
désespérément absent.

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