• Ils mourront tous sauf moi, de Valeria Gaï Guermanika (Russie, 2008)

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Où ?

Au MK2 Beaubourg

 

Quand ?

Dimanche soir

 

Avec qui ?

Ma femme

 

Et alors ?

 

Ils mourront tous sauf moi rentre dans cette catégorie de films de genre (ici, les tourments et l’âpreté de l’adolescence) qui tout en respectant un peu trop leurs conventions
imposées pour espérer marquer durablement, n’en recèlent pas moins quelques idées excellentes et suffisamment bien exploitées. Dans le cas présent, il y a en premier lieu l’inscription manifeste
dans une réalité nationale et sociale, celle de la Russie contemporaine dure au mal et sans mansuétude pour sa jeunesse. Jamais folklorique ou misérabiliste, l’observation que fait Guermanika de
ce quartier anonyme (quelques immeubles, deux rues, un lycée, le tout tenant encore vaguement debout) est simplement crue. Les protagonistes du récit sont forcément des produits de leur
environnement, mais ne vont pas pour autant se garder d’avoir une identité propre. Laquelle, pour les trois héroïnes adolescentes, se construit logiquement contre les adultes, que ceux-ci soient
absents, rigides ou paumés.

 



L’histoire est cristallisée autour d’un événement précis (une soirée dansante pour tous les élèves du lycée, prenant place dans l’enceinte de l’école), auquel les trois filles donnent elles-mêmes
une importance vitale en projetant dessus d’énormes attentes, toutes transgressives – alcool, sexe, rébellion frontale envers les consignes. L’aspect le plus marquant de ce récit en forme de
conte d’initiation violente – les frères Grimm sont explicitement cités – est sa hargne agressive à l’égard de ses héroïnes. La plus intelligente du trio est ainsi, en deux temps, celle qui
souffrira le plus ; tout d’abord sur une histoire de rien du tout (un zéro en classe pris à la place d’une des copines, qui elle récupère un vingt grâce à son aide), puis de façon autrement plus
sérieuse lorsqu’elle parvient à fixer l’attention du beau gosse du lycée sur elle plutôt que n’importe qui d’autre – à ses dépends, au final.

 



Ce désespoir profond est d’autant plus corrosif qu’il est redoublé d’une mise en scène intense, ne laissant de répit ni au spectateur ni aux personnages. Elle force une intimité implacable entre
eux et nous, en filmant au plus près des visages et des corps et en suivant les actions dans leur durée, aussi dérangeantes soient-elles. Le film se situe cependant à l’opposé d’une attitude
empathique envers ses héroïnes. La caméra exprime clairement qu’elle incarne un point de vue extérieur à leurs épreuves, avec même une bonne dose d’omniscience lorsqu’elle se détourne des
personnages pour remonter un couloir ou se tourner vers une fenêtre, d’où va survenir de manière imminente la prochaine complication. Le télescopage entre cette supériorité et la proximité du
filmage à l’épaule, en lumière naturelle, crée un malaise étouffant et tout à fait maîtrisé. Dans ce cadre, la présence dans les moments les plus violents de multiples téléphones portables
d’autres élèves filmant « l’événement » vient renforcer l’instantanéité brutale du film ainsi que sa distanciation de ce qu’il nous donne à voir. Le procédé rappelle celui mis en œuvre
dans Cloverfield ; à la différence près qu’il
permet dans ce dernier de faire exploser les passages obligés du genre, alors qu’ici il ne fait « que » les accompagner de fort belle manière.

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