• Il était une fois en Amérique, de Sergio Leone (USA, 1983)

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Où ?

A la maison, en DVD zone 2

Quand ?

Vendredi soir

Avec qui ?

Seul

Et alors ?



Il était une fois en
Amérique
, l’œuvre-testament de Sergio Leone, n’est pas un film de gangsters – ni des années 1930 (Scarface de Hawks, L’ennemi public
n°1
…) où se déroule son action sur fond de prohibition, ni des années 1980 (le renouveau apporté principalement par Scorsese) où il a été tourné. L’ambition de Leone est de faire un
film définitif sur le temps qui passe, ce qui en justifie la durée : il faut bien 3h45 pour embrasser dans un seul geste immensément généreux le passé, le présent et le futur.

Autour de son héros Noodles (Robert de Niro), Il était une fois en Amérique décrit des personnages pris dans un temps présent perpétuel directement raccroché à une pulsion, une
jouissance unique qui les nourrit à tous les âges. C’est le vol pour son meilleur ami et complice Max (James Woods), le métier d’actrice pour son éternel amour contrarié Deborah (Elizabeth
McGovern), le sexe pour Carol (Tuesday Weld), la femme qu’il viole au cours d’un braquage et qui, dans un retournement extrêmement pervers pour un scénario de film, rejoindra par la suite leur
gang à Max et lui. D’une manière ou d’une autre, ces 3 rôles secondaires sont à un moment du film définis comme immuables : Max ne meurt pas dans un attentat le visant expressément ; Deborah
est la seule à ne pas vieillir physiquement lorsque le scénario fait un bond en avant de 30 ans (une réplique signale d’ailleurs explicitement ce fait, pour en désamorcer l’irréalité) ; et
Carol reste fidèle à ses « principes » libidineux même après son agression par Noodles.

Tous 3 sont comme des totems sur le cheminement de Noodles de sa naissance à sa mort, qui est le fil conducteur du film. Noodles est le seul personnage à changer mentalement, et à opérer un
voyage du passé vers le futur. La conséquence de cet engagement est qu’il ne rencontre jamais le présent : ses 2 passages en prison servent d’ellipses au scénario pour le faire passer brusquement
d’adolescent à adulte, puis d’adulte à vieux. De même, ses relations avec les gens et les objets sont erratiques, parsemées d’interruptions brutales, qui font qu’il ne profite à aucun moment des
plaisirs humains éphémères, « dégradables » que sont l’argent ou l’amour. Mais Noodles y gagne un pouvoir inaccessible à tous les autres : lui seul a une compréhension globale des
événements, peut les rationaliser et prendre du recul par rapport à eux au lieu de simplement subir leur force perpétuelle – que l’on peut nommer destinée ou hasard, et qui fait se mouvoir les
autres personnages tels des pantins.

Cette capacité dont se voit doter Noodles explique bien sûr la structure en flashbacks complexes du film : celle-ci ne fait que suivre le fait que sa mémoire est capable d’ordonner les péripéties
successives selon d’autres classifications que le classique déroulement chronologique. Le dernier plan, inoubliable et qui met les larmes aux yeux (ce plan vient après un autre plan inoubliable
et qui met les larmes aux yeux : la réapparition surprise et bouleversante de Max, qui balaye d’un seul coup les réticences que le film générait jusqu’alors – un rythme inutilement lancinant, une
musique souvent pompeuse et répétitive, un récit basé sur des clichés qu’il ne parvient pas toujours à surmonter), ouvre sur une autre orientation possible. On peut imaginer que Noodles est non
seulement conscient des choses mais aussi qu’il les retravaille à sa convenance, transformant depuis son lit de fumerie d’opium sa vie en un film magistral et définitif de gangsters, un conte à
la hauteur de son titre en « Il était une fois… ». A posteriori, cette ouverture donne une toute autre signification à certaines scènes démesurées (la tentative de séduction de
Déborah, la mort tragique du benjamin du gang alors qu’ils étaient tous adolescents), et surtout fait de Il était une fois en Amérique un éloge du cinéma comme art où se
rejoignent la réalité et l’imaginaire, sans que l’on ne soit jamais sûr des proportions de l’une et de l’autre.

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