• Huit fois debout, de Xabi Molia (France, 2009)

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huit-2Où ?

A l’Orient-Express

Quand ?

Jeudi soir à 20h, en première partie d’un double programme

Avec qui ?

Mon amie cinéphile

Et alors ?


J’ai chroniqué il y a quelques jours le très beau Vous ne l’emporterez pas avec vous, de
Frank Capra. Huit fois debout en est, à son modeste niveau, l’antithèse contemporaine ; non par conviction mais par coercition. Ses deux héros, Elsa (Julie Gayet)
et Mathieu (Denis Podalydès), ont repris des mains des Vanderhof de Vous ne l’emporterez pas avec vous le flambeau de la marginalité et de l’inadéquation intrinsèque aux
exigences et aux normes du sacrosaint « monde du travail ». Mais pour eux, la fantaisie qui accompagne cet état ne trouve aucun espace dans lequel s’épanouir. Lors des rares instants de
répit, le film nous fait bien sentir que Elsa et Mathieu ont en eux des traits d’esprit et des inspirations qui les distinguent ; mais la majeure partie de leurs vies est passée – est perdue
– à se débattre pour garder la tête hors de l’eau, en maintenant autant que possible une apparence de subordination et de motivation.

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Obtenir un emploi stable, trouver un endroit où loger, rester présentable pour soutenir le regard des autres : les obligations inhérentes à cette lutte pour la dignité et la survie sociale sont
si nombreuses qu’elles occupent chaque jour pas loin de vingt-quatre heures. Huit fois debout tient pour ses personnages le journal intime de ces heures sans cesse
identiques dans les écueils à surmonter, et toujours différentes dans les réponses à trouver. Car la débrouille à la marge des cadres et des parcours prévus par la norme est par nature éphémère.
La découverte d’une nouvelle manœuvre, d’une nouvelle dérobade, signifie inévitablement sa révélation aux yeux de la société et par là, à plus ou moins court terme, son annulation. Dans cette
chronique, Xabi Molia (dont c’est là le premier long-métrage) échappe au misérabilisme en ne réduisant jamais ses personnages à des cobayes, des exemples représentatifs de statistiques sur la
précarité actuelle. Il leur laisse suffisamment d’espace et de liberté pour s’exprimer, s’étoffer, et démontrer une complexité de caractère tout à fait appréciable. Aucun d’entre eux n’est un
robot, tous sont des êtres dont l’action ou la réaction à venir ne sera jamais entièrement prévisible. Cela vaut aussi pour les seconds rôles, pourtant si souvent utilitaires dans ce genre de
récit : le cousin d’Elsa est ainsi une merveille d’écriture et d’interprétation (par Mathieu Busson) sensibles.

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La résistance de Huit fois debout au formatage radical auquel aspire le capitalisme serait donc tapie là, dans la focalisation sur la survie en attendant des jours
meilleurs comme les petits mammifères à l’âge des dinosaures. En cela le film est tout à fait louable, mais quelques choix d’orientation de scénario se mettent en travers d’une adhésion totale.
Une intrigue-prétexte, sous la forme de quelque chose de précis à atteindre ou à fuir, aurait été utile pour relancer la machine lorsque l’inspiration vient à faire défaut dans le traitement des
personnages – même un grand nom du témoignage social comme Ken
Loach
y a souvent recours (Raining stones, Sweet sixteen). La relation sentimentale entre Elsa et Mathieu aurait pu être cette
intrigue, mais Molia s’évertue à l’ajourner dès qu’elle se fait trop concrète. Il préfère de toute évidence garder ses deux héros solitaires face à l’adversité, même si cela signifie imposer une
artificialité dommageable à son récit. Ainsi fragilisé, Huit fois debout donne l’impression persistante d’être toujours sur le point de se conclure, d’avoir tout dit.
C’est à nous de faire l’effort de ne pas se laisser décrocher, mais la finesse et l’empathie dont le film fait par ailleurs preuve en valent la peine.

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