• Gilda, de Charles Vidor (USA, 1946)

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Où ?
A la maison, en K7 vidéo en VOST enregistrée il y a quelques années sur Arte.

Quand ?
Le week-end dernier

Avec qui ?
Seul

Et alors ?

Réputé pour son fort sous-texte homosexuel, Gilda serait mieux défini si l’on en parlait comme d’un « sous-film » caché derrière une thématique homosexuelle.
Dès la 1ère séquence (dans laquelle Balan – George Macready, un notable américain, sauve d’une agression le vaurien Johnny – Glenn Ford) les dialogues, les postures, les regards des 2 personnages
masculins sont on ne peut plus explicites quant à la nature de leur relation à venir.

Le sentiment de pure jalousie que parvient à exprimer le jeu de Glenn Ford lors de l’irruption de Gilda dans ce monde parfait (Johnny est devenu l’homme de main et le plus proche
« confident » de Balan) est lui aussi sans équivoque. La menace pour Johnny est réelle, car celle qui s’est faite épousée par Balan n’est pas n’importe quelle femme. Lascive,
aguicheuse, et incroyablement sensuelle, tout en elle exalte la passion, la luxure. Sa 1ère réplique est on ne peut plus explicite : à la question « are you decent ? » posée
par son mari, elle répond d’un « who, me ? » suivi d’un long silence entendu…

Mais Gilda ne répond pourtant pas aux canons de la femme fatale. Elle serait plutôt l’héroïne maudite : elle aime un homme (Johnny) qui ne l’aime pas, et est mariée à un salaud qui se plait à
manipuler et humilier ceux qui lui sont proches. Dans ses conditions, et plongée dans un monde où elle est la seule présence féminine (peu souhaitée qui plus est, on l’a vu), la séduction
« chaude » dont elle fait l’usage – qui ne connaît pas la célèbre scène où elle chante Put the blame on me en ôtant ses gants comme on enlève un string ? – n’est pas un
trait de caractère pervers mais un choix de dernier recours, la seule arme qu’elle ait pour se défendre.

 

En lieu et place d’une intrigue policière classique, le récit de Gilda décrit en effet les jeux de pouvoir entre ses 3 personnages, avec leur lot de trahisons, de
calculs à long terme, de faux-semblants. D’un bout à l’autre, une même question brûle la pellicule : tel personnage en aime-t-il un autre ou le manipule-t-il ? Sans jamais exprimer de manière
trop évidente son propos, cette vision cruelle des relations humaines se nourrit de l’homosexualité violemment anti-féminine de Johnny et Balan (qui par contraste transforme
Gilda en plaidoyer féministe – et Rita Hayworth en icône, courageuse car féminine et inversement), mais aussi d’une lutte des classes généralisée, avec un fossé immense
entre riches et pauvres.

Pour échapper à la censure, Charles Vidor utilise certes les sous-entendus des dialogues mais encore plus la mise en scène. Au sein d’un genre déjà particulièrement expressionniste comme le film
noir, Gilda parvient à se démarquer par son utilisation des cadres et du montage. Les différents accessoires et techniques de séduction de Gilda (gants, bas,
coiffure…) sont filmés sans aucune pudeur, la caméra étant incapable de détourner le regard. Quant à la constante et étouffante menace représentée par Balan, elle donne lieu à des plans
exacerbés où le personnage occupe la moitié de l’écran, de dos, tapi dans une obscurité totale dont on se demande si ce n’est pas lui qui la produit pour y plonger ses interlocuteurs. Exacerbé
dans sa forme, Gilda l’est aussi sur le fond. La trame du film a beau évoquer l’actualité de l’époque (les transferts de savoirs entre savants nazis et américains après
la 2nde Guerre Mondiale), le casino où se déroule l’action se situe quelque part entre un décor générique de tragédie grecque (les petites mains du casino font office de chœur antique) et
l’extravagance de The Shanghai
gesture
. De quoi donner une ampleur encore plus démesurée aux pulsions et aux haines de son trio central.

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