• Flashback : Indigènes, de Rachid Bouchareb (France, 2006)

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En passant outre la forte médiatisation (justifiée) qui a entouré Indigènes et ses acteurs, la question qui se pose est la suivante : le film parvient-il à exister par lui-même,
au-delà de ses bonnes intentions inattaquables ? La tâche est d’autant plus ardue que les films sur la Seconde Guerre Mondiale représentent un genre ayant déjà été balayé sous tous les angles. La
spécificité du long-métrage de Rachid Bouchareb tient dans l’identité de ses héros, mais sans tomber dans le piège d’un concept du type « film de guerre avec des nord-africains ». Le problème est
pris à l’envers : Indigènes est un film sur des nord-africains, situé en temps de guerre. La libération de la France à laquelle le tirailleurs maghrébins participent est également
pour eux la découverte d’un pays qui est le leur en théorie mais pas dans les faits, un eldorado que les circonstances tragiques ont soudain rendu accessible.

Au travers de ses héros, Indigènes donne à voir cinq représentations du désir d’intégration des nord-africains et des voies employées : obéissance servile ou appât du gain, amour
d’une femme ou carrière militaire exemplaire. Il appartenait aux acteurs d’insuffler de la vie dans ces archétypes ; c’est chose faite, avec une crédibilité et une énergie saisissantes chez les
stars – Jamel Debbouze, Samy Nacéri – comme chez les habitués des seconds rôles – Roschdy Zem, Sami Bouajila, Bernard Blancan. Le devoir de mémoire ne les écrase pas, il les transfigure ; et
Indigènes y gagne une âme.

Profondément humain, Indigènes est également une œoeuvre réfléchie et qui nous questionne. Sans sacrifier les passages obligés, avec une mise en scène des séquences de batailles
qui n’a pas à rougir face aux références du genre, Bouchareb ne perd en effet jamais de vue son fil directeur : comment l’échec de cette tentative passée d’intégration préfigure, explique ou
amplifie (à chacun de se faire son opinion, le film ne se hasardant pas à donner une réponse toute faite) ce nouvel échec que l’on observe aujourd’hui. Le désarroi du réalisateur face à cette
injustice se cristallise dans l’épilogue, déchirant et plein de rage rentrée, que l’on garde en mémoire longtemps après la fin du film.

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