• Espion(s), de Nicolas Saada (France, 2008)

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Où ?

Au MK2 Quai de Seine, dans une petite salle pleine (le potentiel du film a sans doute été sous-estimé sur ce coup)

Quand ?

Mercredi soir

Avec qui ?

Ma femme

Et alors ?

Enfin un film français au cinéma en 2009 ! D’Envoyés très spéciaux en Un homme et son chien, il était plus que difficile de supporter la production nationale en ce
mois de janvier. La libération vient d’un premier film, forcément ambitieux puisqu’il rouvre le débat de la capacité française à faire du « genre ». Qu’il s’agisse de l’horreur, de la
science-fiction ou du thriller, chaque réussite apparaît comme une aberration au milieu d’une étendue d’échecs. Malgré quelques ratés dans son déroulement, Espion(s) gagne au
forceps sa place parmi les happy few.

L’auteur-réalisateur Nicolas Saada se place sous le patronage direct et assumé de Hitchcock et en particulier de l’un de ses chefs-d’œuvre, Les enchaînés. C’est à la fois une
ombre quelque peu pesante – la comparaison fait forcément ressortir les carences du film de Saada, telles que des embranchements de récit un peu contraints ou bien un manque de grain de folie qui
ferait passer le tout du faux rythme à la vitesse supérieure – et une excellente manière de se lancer. L’une des principales causes des plantages français à répétition tient en effet dans une
propension vaniteuse à vouloir forcément réinventer le genre plutôt que se fondre dedans. Espion(s) emploie des recettes déjà maintes fois éprouvées, de l’innocent plongé dans la
cour des grands espions au mélange des genres entre romance et manipulation, et ne s’en porte pas plus mal. Mieux, il réussit au bout du compte à tirer une cohérence entre ces influences, son
style visuel et le regard porté sur notre époque.


Ce qui ressort de Espion(s) n’a rien de réjouissant. Dans des mégalopoles (Paris comme Londres) filmées dans des tons bleus-gris et suffocantes d’anonymat, les protagonistes n’ont
aucune flamme pour ce jeu dangereux d’espionnage et de terrorisme international. Saada se démarque franchement sur ce point du maître Hitchcock ; au 21è siècle, il n’est plus question de vocation
et d’engagement moral comme chez les héros des Enchaînés mais de réquisition (par le chantage, la menace) et de blindage intime face à l’horreur des passages à l’acte. Comme une
allégorie violente de la situation de tout un chacun aujourd’hui, les personnages font un travail par pure obligation, travail qui implique également une prise de position civilisationnelle. Plus
étouffant encore, à l’image du récent Eagle eye,
les rencontres sentimentales ne sont plus désirées mais requises par une autorité supérieure et invisible – et dans les deux cas, s’il n’y avait un épilogue artificiel et un brin crétin, la fin
de la mission commune signerait également la fin de cette intimité forcée. Saada cristallise tous ces aspects dans une séquence remarquable, la plus forte du film : la révélation faite par un
agent des services secrets à l’héroïne que son mari travaille avec des terroristes, le tout sous le regard mutique du héros manipulé et manipulateur. Le plan large fixe cadre les trois
personnages, leur impuissance à s’extirper de la situation géopolitique qui un jour s’est insinuée dans leur vie privée, leur tension extrême et refoulée à grand peine. Durs au mal, à leur corps
défendant.

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