• Eden lake, de James Watkins (Angleterre, 2008)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles

Quand ?

Lundi soir, à 20h30

Avec qui ?

Mon compère d’UGC, avec une place supplémentaire offerte pour l’achat de sa nouvelle carte 5 places… mais qui nous a fait poireauter 10 minutes à la caisse, le temps que la machine veuille bien
éditer la dite place offerte (un homme avec un badge « responsable » a même dû venir en soutien de la caissière)

Et alors ?

Après les USA – où la tradition a encore de beaux restes – et le Japon (là par contre, la source commence à se tarir), la Grande-Bretagne est depuis quelques années le nouvel eldorado du cinéma
d’horreur : l’initiateur 28 jours plus tard… de Danny Boyle, le magistral et remarqué The descent, le terrifiant et peu remarqué Isolation.
Eden lake s’inscrit dans cette veine, avec comme spécificité de rendre évident le lien d’ordinaire implicite entre qualité des films d’horreur d’un pays et malaise de sa
collectivité. Qu’ils soient américains, japonais ou anglais, les bons films d’horreur font toujours leur lit de problèmes sociétaux très concrets – mais travaillés sous une forme allégorique ou
caricaturale. Cette distance était déjà entamée dans Isolation (qui trouvait son inspiration dans la crise de la vache folle) ; elle est purement supprimée de Eden
lake
, dont l’ensemble des protagonistes et des situations est d’un réalisme on ne peut plus cru.


A ma gauche, un couple de londoniens trentenaires branchés, successful, typiques de leur rang jusque dans leurs défauts : Mister Steve fanfaronne avec sons 4×4 toutes options et
choisit la destination du week-end principalement à son profit (une carrière inondée paumée dans la campagne, où il va pouvoir pratiquer la plongée sous-marine tandis que sa fiancée l’attend sur
la plage), Miss Jenny suit en souriant et sans renâcler. A ma droite, une bande d’ados désœuvrés du village bordant le bois où se trouve la carrière, et où ils zonent à leurs – nombreuses -
heures perdues. De provocations rebelles débiles en réactions épidermiques et inconsidérées, le ton monte rapidement entre les deux camps, dans une chronique lancinante de la haine ordinaire
principalement nourrie à la volonté masculine d’affirmation machiste de sa force. Le réalisateur et scénariste James Watkins trouve là matière à éviter les expositions habituellement poussives
des slashers : Eden lake est presque immédiatement captivant, avec une tension réelle et dérangeante.


La bascule vers le pur survival s’opère lorsque la violence physique entre en scène, et fait voler en éclats les interdits « civilisés ». C’est principalement Jenny (jouée par
Kelly Reilly) qui tient le devant de la scène dans cette seconde partie, et ce que le film fait d’elle et lui fait faire est une nouvelle fois bien senti. Le rapport de forces en sa défaveur (à
une contre cinq, et avec plus de scrupules à faire le choix de la bestialité) est ainsi mis à profit pour faire des enfants « sauvages » non pas un opposant à combattre frontalement
mais une menace diffuse qu’il faut éviter à tout prix, quelles que soient les alternatives. Le danger, la terreur, le gore interviennent dès lors dans le parcours de Jenny au cœur d’une nature
hostile. Eden lake joue beaucoup sur le recyclage d’idées éprouvées et rêches du genre, loin du grand guignol ou de la psychanalyse. Le calvaire de Jenny, mélange de petit poucet
(les indices qui la guident jusqu’à son fiancé) et de chaperon rouge (la capuche, la forêt immense) dont les vêtements puis le corps portent sur eux les traces des épreuves successives, y puise
une belle puissance cinématographique.


La dernière partie perd en intensité, à mesure que monte la sensation que le scénario est alors écrit au fil de la plume – les mêmes péripéties et rebondissements se répètent, et les citations de
classiques (Les chasses du conte Zaroff,
Massacre à la tronçonneuse) sonnent comme des diversions pour masquer l’essoufflement du récit. Le retour à la civilisation (ou en tout cas à son décor) pour le final est par
contre efficace, car d’une surprenante perversité. Il est aussi symbolique du malaise que j’évoque dans le premier paragraphe : quelle que soit la position – difficile à discerner au vu du
film – de Watkins sur les sujets de l’éducation et de la violence adolescente, le simple fait d’utiliser l’opposition entre groupes sociaux (riches/pauvres, ville/campagne…) comme inspiration
brute pour un film d’horreur est assurément révélateur d’un ensemble de dysfonctionnements profonds.

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