• Dracula, de Francis Ford Coppola (USA, 1992)

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Où ?
À la maison, sur le DVD zone 2 sorti pour les 15 ans du film, avec commentaire audio de Coppola, 2è disque rempli de bonus, et surtout une qualité d’image et de son à couper le souffle.

 


Quand ?

 

Ce week-end

 


Avec qui ?

Seul (le carton « Interdit aux moins de 16 ans » au début du film a eu raison de la motivation de ma femme !)

 


Et alors ?

 

Qu’est-ce qu’un grand film ? La question se pose en voyant Dracula, qui m’a moyennement convaincu à la revoyure mais dont un nombre conséquent de scènes m’ont
durablement marqué. Je m’en souvenais parfaitement alors que je n’avais pas vu le film depuis au moins 10 ans ; je les ai adorées en les revoyant ; et je m’en souviendrai sûrement
parfaitement dans 10 ans. Difficile donc de balayer le film d’un revers de la main.

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Pourtant, tout l’aspect « adaptation littéraire » laisse clairement à désirer. L’histoire avance par à-coups, revient sur ses pas, accumule les personnages puis s’en désintéresse,
délaisse ses 1ers enjeux pour en démarrer d’autres. La première partie suit ainsi le piège tendu par Dracula pour faire du jeune Jonathan – Keanu Reeves, mal servi par un rôle utilitaire et sans
envergure – son prisonnier afin de lui subtiliser sa fiancée Mina (Winona Ryder, parfaitement ambiguë), qui est la réincarnation de sa femme morte il y a plusieurs siècles ; puis l’on bifurque
vers les aventures amoureuses et érotiques de Lucy, la meilleure amie délurée de Mina. Le chasseur de vampires Van Helsing et sa propre sous-intrigue n’apparaît que dans un 3è temps, laissant
Anthony Hopkins faire avec les miettes laissées par Coppola pour son personnage. Les 20 dernières minutes reviendront – finalement – sur le trio Dracula / Mina / Jonathan.

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Voir Dracula, c’est donc en quelque sorte observer un hyperactif se défouler sans entraves avec ses différents jouets. Coppola change en permanence de point d’intérêt,
au gré des idées visuelles que lui inspirent les péripéties du roman. Les scènes coupées du 2è disque (1/2 heure d’images au total) appuient cette condition de work in progress permanent
et inachevé du film. On ne voit pas trop ce qui rend ces versions alternatives ou plus longues moins valides que les séquences présentes dans la version finale. Au contraire même, les scènes
supprimées impliquant Jonathan (plusieurs montages parallèles entre ses aventures dantesques et la séduction de Mina par Dracula, ainsi qu’une fin différente) auraient sans doute apporté un
meilleur équilibre à un récit écartelé entre ses différentes lignes de force. Même le rôle-titre n’en sort pas indemne : à force d’être protéiforme et d’endurer de multiples changements de
costumes et d’apparences (vieux, jeune, loup-garou…), Dracula devient trop fuyant pour que Gary Oldman puisse se l’approprier au lieu de subir le personnage. Il n’y parvient réellement que dans
les scènes plus intimistes en compagnie de Mina.

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Visuellement, Dracula est un festin, mais un festin boulimique qui frôle souvent l’indigestion. L’obsession de Coppola de rendre chaque plan marquant, étonnant (défaut
qui est réapparu dans son nouveau film, L’homme sans âge) lasse voire énerve. Au bout d’une demi-douzaine de « transitions circulaires » (une forme ronde qu’un
fondu transforme en une autre forme ronde, par exemple un œil -> une sortie de tunnel), on ne trouve ainsi plus du tout cela original. Dans une inversion dommageable, Coppola utilise le récit
comme base à toutes ses divagations au lieu de mettre son inventivité visuelle au service de l’intrigue. Comme il est un cinéaste extrêmement talentueux, cela marche tout de même brillamment à
plus d’une reprise. Dracula est parsemé d’éclairs de cinéma, de tableaux immédiatement et absolument saisissants où la débauche de moyens mis en œuvre (effets visuels,
costumes, lyrisme et gothique paroxystiques – choses sur lesquelles les featurettes bonus du DVD se concentrent avec pertinence) atteint pleinement son but.

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Telles sont les scènes dont je parlais au début de ce billet : le prologue moyenâgeux, dantesque et décadent à souhait ; l’arrivée de Jonathan au château de Dracula, d’un remarquable onirisme
dévoyé ; la mise à mort de Lucy, devenue vampire toute de blanc virginal vêtue, par Van Helsing et ses acolytes ; le jeu de séduction hautement sensuel et à double sens entre Dracula et Mina, et
son interruption par ces mêmes chasseurs de vampires qui fait se juxtaposer les 2 visages du comte. Et le final, qui parvient miraculeusement à boucler l’histoire en beauté en rappelant ce qu’est
au fond la légende de Dracula : une passion amoureuse au romantisme fou, et aussi absolue que cruellement inachevée.

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