• Cronos, de Guillermo Del Toro (Mexique, 1993)

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cronos-1Où ?

A Austin, Texas, sur l’ordinateur portable des amis qui nous logeaient, connecté sur Netflix

Quand ?

Dimanche soir, il y a dix jours

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

 

Avec Cronos, on a affaire à un objet bâtard : par bien des aspects plus doué et abouti que la majorité des premiers films, et sur d’autres trop incomplet, galvaudé
pour emporter notre adhésion autant qu’on le souhaiterait. Il y a dans ce coup d’essai largement de quoi expliquer que les studios hollywoodiens se soient immédiatement intéressés à Guillermo Del
Toro, mais c’est seulement après quelques années de maturation supplémentaire que le talent de celui-ci s’exprimera pleinement, dans le double programme antinomique (les deux films sont sortis
quasi simultanément, tout en étant radicalement opposés) L’échine du diable / Blade 2.

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Dans Cronos, Del Toro s’appuie sur le mythe du vampire pour se mettre le pied à l’étrier. Il reviendra par la suite régulièrement vers ce thème, ou des variantes, et
c’est loin d’être le seul pan de son style à s’affirmer dès cette entrée en scène. La première partie de Cronos est un condensé de l’essentiel de ce qui animera le
cinéaste dans tous ses films à suivre, jusqu’à aujourd’hui. La passion pour les puissances occultes, et leur matérialisation sous la forme d’objets scientifiques soigneusement pensés (ici, un
superbe dispositif mi-mécanique mi-organique qui accomplit l’action de rendre immortel comme sont censés l’être les vampires) ; une obsession pour les rapports de filiation, et de
transmission, accidentels (le duo formé par le héros et sa petite-fille est très touchant) ; un grand talent de conteur d’histoires alambiquées, et le désir permanent de les sillonner en
connivence avec le spectateur plutôt que d’abuser celui-ci par des tours de passe-passe bon marché. La mise en place des rapports entre les personnages principaux, et le dévoilement progressif
des enjeux qui guident les uns et les autres sont des modèles de scénario, d’une fluidité et d’une diversité – les touches d’humour, entre autres choses, ne paraissent jamais artificiellement
ajoutées – idéales. Del Toro est de manière tellement explicite un amoureux du cinéma, des techniques et des possibilités de cet art, que cela rend sa ferveur extrêmement contagieuse. Ce qui vaut
pour le récit fonctionne aussi, par exemple, pour les décors : loin d’être figés une fois pour toutes, ceux-ci font l’effet de poupées russes inversées. Ce qui nous en est révélé au premier
coup d’œil n’est la plupart du temps qu’une petite partie d’un ensemble dissimulant bien d’autres surprises et merveilles.

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La montée en régime de Cronos est particulièrement alléchante, et la déception de voir Del Toro sauter immédiatement à l’acte de résolution et de conclusion est à
l’avenant. Son sujet, ses personnages, ses trouvailles méritaient mieux que ce règlement trop banal – par distribution de bourres-pifs à gogo – et en plus trop long. Il avait en main de quoi
faire un film bien plus long que cette petite heure et demie, d’où le sentiment tenace d’un certain gâchis ; ou, pour être moins féroce, d’une occasion manquée. En athlétisme, on appelle
cela couper son effort à mi-course. Mais au cinéma, l’usage veut que pour remporter son 100 mètres il faille rester à fond jusqu’à la ligne d’arrivée, peu importe son niveau…

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