• Comment bousiller un film en vingt minutes (The chaser, de Na Hong-Jin, Corée du Sud, 2008)

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Où ?

Au MK2 Quai de Seine

Quand ?

Vendredi soir

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Depuis plusieurs années, les sud-coréens se sont affirmés comme des copistes particulièrement assidus du cinéma de genre hollywoodien – thriller, fantastique, science-fiction… Le résultat est
souvent consciencieux et soigné, d’autant que les moyens financiers et humains sont souvent à la hauteur. Cependant, rares sont ceux qui parviennent à se projeter au-delà de la simple
reproduction efficace et opportuniste, et à faire preuve d’un véritable talent personnel de cinéaste tel Bong Joon-Ho et ses deux chefs-d’œuvre Memories of murder et The
host
. Pendant la première heure, et même un peu plus, de son Chaser, le jeune inconnu Na Hong-Jin semble devoir venir lui tenir compagnie dès son coup d’essai. Lui aussi
a ses modèles américains : la série 24 pour le récit en temps réel, le film Usual suspects – dont le plan de fin est cité littéralement – pour le personnage de
tueur maléfique qui ne paye pas de mine. Comme Keyser Söze, Young-Min, le bad guy de The chaser, est d’entrée physiquement à la merci de la police (menotté, enfermé,
battu), mais mentalement intouchable : l’information qui permettrait de valider ses aveux et de l’envoyer en prison pour perpète, à savoir l’adresse de la maison où sont enterrées ses victimes,
n’existe que dans sa tête et il est impossible de la lui soutirer.


C’est là qu’intervient l’ascendant 24 du film, dans cette course contre la montre de tous les personnages pour trouver cette maison avant la fin de la garde à vue de Young-Min.
Beaucoup ont essayé, mais peu de films ont aussi bien réussi à rééditer la recette magique des aventures de Jack Bauer. Ce mélange sur la corde raide entre une tension accablante de tous les
instants, qui pèse sur les protagonistes au point de les amener au bord de la capitulation, et de brusques accès de rage désespérée qui agissent comme autant d’électrochocs sur le spectateur,
constitue l’essence même du genre du thriller. Et Na Hong-Jin mène remarquablement son affaire entre ces deux extrêmes, grâce à un scénario retors, une ambiance visuelle nocturne excellente et
une caractérisation des personnages ricochant du tragique au grotesque.


Patatras : le dernier acte vient anéantir ce remarquable équilibre et révèle la véritable nature, pas très ragoûtante, du film. Il y avait déjà eu quelques signes avant-coureurs (la justice vue
comme un frein à l’action méritante de la police, le tueur figure d’un mal absolu, réductible à un visage et un mobile), mais rien qui ne puisse laisser présager d’un tel déferlement de sadisme
gratuit. Si Na Hong-Jin ressuscite puis fait s’évader de la maison la dernière victime en date de Young-Min, la transformant en enjeu capital de scénario puis en personnage auquel on s’attache
sincèrement, c’est en fait uniquement pour la faire mourir quelques minutes plus tard dans d’atroces souffrances et au gré d’un concours de circonstances forcé et inepte. Plus loin, il s’arrange
pour que le climax prenne la forme d’une interminable et sanglante baston, placée sous le signe de la vengeance personnelle. Œil pour œil, dent pour dent, marteau pour marteau. Na
Hong-Jin n’a donc pas compris le point primordial dans la réussite de 24 : un sens de la mesure qui fait de Jack Bauer un personnage complexe plutôt qu’un vigilante sans
cervelle et réac. Soit, en définitive, l’exact opposé de The chaser.

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