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Où ?

A l’UGC Orient-Express pour The international (traduit en français par un tristounet L’enquête) et à quelques encablures de là, au ciné-cité les Halles pour
Duplicity

 

Quand ?

Il y a deux semaines, et mardi soir

 

Avec qui ?

Seul pour The international, et avec mon compère de cinémathèque (qui avait assisté à une après-midi de tournage du film à New York – trois secondes dans le montage final) pour
Duplicity

 

Et alors ?

 

La carrière de Clive Owen, qui écumait les productions de la télévision anglaise depuis quinze ans, a basculé au tournant de l’année 2003 avec un trio de films – La mémoire dans la
peau
, Le roi Arthur et Closer – à l’intérêt inégal mais rassemblés par une même chose : la puissance brutale, fascinante dégagée dans chacun par
l’acteur aux yeux magnétiques et à la voix grave, dont les exclamations claquent et stupéfient (d’où le titre de cette chronique). Tout en sachant en profiter dans des projets qui en valent la
peine, tels Sin city ou Inside
man
, Clive Owen a vite cherché des rôles lui permettant de briser cette image monolithique de mâle dominant d’un autre âge. Ce fut d’abord le grandiose Les fils de
l’homme
, où le héros type de film d’action qu’il interprète est privé d’existence en soi et d’avenir aussi délibérément que pourrait l’être un robot. Ce sont maintenant, à quelques
semaines d’intervalle, les deux films d’espionnage – l’un désabusé, l’autre léger – que sont The international et Duplicity, dans lesquels Owen se fond dans des
rôles où ses atouts naturels sont soumises à de multiples restrictions.

 



The international
s’inscrit dans cette famille récemment
née de films d’espionnage qui cherchent une réponse au problème posé au genre par l’avènement d’un monde multipolaire, complexe et dépouillé de ses utopies mobilisatrices. La copie rendue par le
réalisateur Tom Twyker (Le parfum) se situe à
mi-chemin entre le raté Mensonges d’état et le
réussi Espion(s). Par rapport au premier, il a
l’inestimable avantage d’accepter la sentence de mort des recettes et des valeurs traditionnelles qu’un tel bouleversement occasionne. Mais il n’emprunte pas la voie de dégagement choisie par le
second, celle de l’introspection psychologique réalisée sur les personnages. The international choisit plutôt de souffrir son intégrité jusqu’au bout : Twyker s’y obstine
sciemment à s’enfoncer au plus loin de l’impasse dépassionnée dans laquelle se trouve désormais le film d’espionnage.

 

C’est ainsi que les secrets de l’affaire mêlant manipulations bancaires, trafic d’armes et assassinats politiques sur laquelle enquêtent l’agent d’Interpol Louis (CLIVE !) et la substitut du
procureur de Manhattan Eleanor (Naomi Watts) sont rapidement dévoilés au spectateur. Ils ne constituent de toute façon pas un point fondamental du scénario ; les poursuites légales à
l’encontre des auteurs des crimes étant improbables, et les procédés plus violents ne pouvant empêcher l’émergence de nouveaux dirigeants aussi avides que les précédents pour perpétuer le
système. Face à une telle immuabilité des choses à grande échelle, les deux héros et leurs interprètes voient leurs qualités premières – sa force physique à lui, son pouvoir de séduction à elle -
complètement neutralisées. Ce refus de se soumettre aux règles tacites de la fiction est intriguant, et audacieux ; surtout au sein d’Hollywood où les couples homme-femme aussi désarmés
devant les événements et désexualisés dans leur relation sont rares. Twyker n’a malheureusement pas de solution cinématographique de remplacement à proposer, et entre ses intentions de départ et
le résultat final The international patine, avance par à-coups, se débat en vain pour n’aboutir qu’à la même désillusion que l’enquête qu’il décrit. L’échec est patent, mais il
est intéressant, et rehaussé de deux séquences plus ou moins indépendantes et particulièrement réussies : une variation sur le thème de l’assassinat de Kennedy et la théorie du second
tireur, et une longue fusillade sur l’escalier circulaire du musée Guggenheim.

 

 

Duplicity est aussi éloigné de ces considérations et de cette ambiance déprimantes qu’il l’est de celles du premier film de son réalisateur, Michael Clayton. La toile de fond est la même – l’espionnage
industriel -, mais c’est bien la seule. Le sentiment d’étouffement et d’impuissance généralisée qui prévalait dans ce précédent long-métrage n’est plus qu’un lointain souvenir, remplacé par une
gaieté et une exubérance de tous les instants. Celles-ci prennent la main sur tous les aspects du film : la lumière – signée du grand Robert Elswit – colorée et chaleureuse, la mobilité des
personnages (tournant en cage dans les environs de New York dans Michael Clayton, sautant allègrement d’un bout à l’autre de l’Amérique et de l’Europe ici), l’inventivité du
scénario.

 

 

A l’image du classique Charade de Stanley Donen avec Audrey Hepburn et Cary Grant, dont il est très certainement un disciple assumé, Duplicity multiplie de façon
exponentielle les péripéties et rebondissements autour de son histoire en double hélice, faite d’espionnage et de romance. Le fin mot de l’histoire compte moins que le plaisir de s’y perdre, d’où
la durée importante – un peu plus de deux heures – mais jamais rébarbative du film (dont les petits défauts seraient plutôt à chercher du côté des seconds rôles trop insignifiants, et d’une mise
en scène pas toujours à la hauteur du reste). Le jeu d’attraction – manipulation auquel s’adonnent les deux personnages principaux confirme le tempo comique de Julia Roberts, lorsqu’elle est mise
entre les mains d’un réalisateur sachant la diriger, et révèle celui de CLIVE ! Owen. L’acteur se laisse aller à un savoureux contre-emploi, où il abandonne ses prérogatives et son statut de
« mâle dominant » habituels pour se mettre au service d’une femme – c’est de bout en bout le personnage de Julia Roberts qui mène la danse – et d’un milieu professionnel peu flatteur.

 

 

Un des effets comiques les plus persistants de l’intrigue est en effet que toutes ces manœuvres extrêmement sophistiquées d’espionnage ont pour objet des savons, crèmes (ou lotions) hydratantes
et autres shampooings qui feraient repousser les cheveux. La virilité de CLIVE ! en prend symboliquement et scénaristiquement un coup – mais pas autant que dans le poste qu’il occupe dans
certains des flashbacks (une structure de récit qui apporte beaucoup au film) : chef de la sécurité chez un fabricant de pizzas surgelés, basé à Cleveland. Duplicity trouve
là ses meilleurs moments humoristiques, en jouant jusqu’à l’extrême le jeu de la disproportion entre les fins et les moyens. Et Clive Owen, lorsqu’il décrit le lancement prochain par sa société
d’une pizza surgelée ananas-jambon révolutionnaire, exploite en parfaite connaissance de cause son parcours baraqué et tonitruant passé pour démultiplier le fou rire généré par son monologue.

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