• Ces messieurs dames, de Pietro Germi (Italie, 1966)

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Où ?

Au Champo, dans la merveilleuse rue Champollion

 

Quand ?

Dimanche après-midi, à 17h

 

Avec qui ?

Ma femme, et mon compère de films de festivals (catégorie dans laquelle Ces messieurs dames a sa place, ayant obtenu la Palme d’Or en 1966)

 

Et alors ?

 

Dans la comédie italienne des années 1950-1960, le film à sketches était une forme tellement employée que sa maîtrise par les scénaristes et les réalisateurs a atteint des sommets, permettant la
naissance d’ambitieuses variations sur ce thème. Hier, aujourd’hui et demain de Vittorio de Sica faisait ainsi interpréter ses trois saynètes par le même couple d’acteurs
(Marcello Mastroianni et Sophia Loren) ; le Ces messieurs dames dont il est question ici fait de ses trois intrigues des récits semi-indépendants, chacun plaçant au premier
plan plusieurs personnes parmi un même groupe d’amis présent tout au long du film. Il s’agit donc plutôt d’un « semi » film à sketches qui tire profit de cette forme pour ne pas avoir à
approfondir outre mesure ses protagonistes et les maintenir dans un état d’esquisses, étayées juste ce qu’il faut pour que la caricature soit efficace. Adoptant là encore un trait distinctif des
films italiens de cette époque, Ces messieurs dames développe en effet un humour corrosif à visée sociétale, avec pour cible les notables de province (chefs d’entreprise,
médecins, avocats…) qui règnent avec bonhomie et suffisance sur leur petit royaume.

Ce sont les mêmes individus que Chabrol nous a habitués à
traiter avec une distanciation ironique et cruelle ; le regard que Germi (également réalisateur du corrosif Divorce à l’italienne) porte sur eux en fait des figures tout
aussi méprisables mais plus grotesques, risibles. Leur principale préoccupation n’est pas le pouvoir, mais plus prosaïquement le sexe – en jouir tout le temps, en faire profiter les autres
parfois (la dernière intrigue, la plus féroce, sur la jeune fille tout sauf farouche à propos de laquelle les amis se refilent le tuyau), se moquer d’eux sinon (le premier sketch). Le portrait
ainsi dressé de la supposée « bonne » société italienne est sans appel. Les hommes considèrent leur situation privilégiée comme un dû auquel est attaché une impunité, mais aucun devoir.
Leurs femmes sont soit des jolies potiches, soit des membres de la même caste qu’eux épousées dans des mariages de raison ; dans les deux cas, elles sont à leur place pour les mêmes raisons
que leurs maris, à savoir l’argent et le prestige.

La charge menée par Germi est saignante, impitoyable. Nul n’en sort indemne, à l’exception d’un seul : Osvaldo, dont le deuxième sketch raconte le coup de foudre pour une roturière caissière
dans un bar (la ravissante Virna Lisi), l’échappée belle qu’il croit être en mesure d’accomplir avec elle vis-à-vis de son milieu délétère et de son couple affreux, et l’échec in fine de
cette tentative d’évasion. Il y a un petit côté série B horrifique dans la narration de cette saynète, avec le motif du héros prisonnier qui fait tout son possible pour se libérer de ses chaînes
avant de prendre conscience, mais trop tard, que certaines d’entre elles étaient initialement invisibles. Mais il n’y a bien sûr dans Ces messieurs dames aucun élément surnaturel,
et les barrières qui ramènent Osvaldo à sa place dans le troupeau sont tout ce qu’il y a de plus terre à terre : elles se nomment dénonciation anonyme, dévoiement des lois (en l’occurrence
celle sur l’adultère), mainmise sur les journaux, corruption policière. Bienvenue en Italie.

L’emploi du terme « troupeau » n’est pas anodin. Germi filme son groupe de personnages comme tel, sans concéder à chacun une individualité qui serait de nature à les identifier
franchement. Ils se déplacent en permanence en bande, font toutes leurs activités ou presque en bande, et apparaissent par conséquent toujours dans le cadre comme une masse protéiforme et
envahissante, bruyante et gesticulante. Une absolue vision d’horreur, derrière laquelle se cache un véritable travail de cinéma (la caméra tourbillonnant jusqu’à épuisement dans la party
du premier chapitre, les boules quiès servant de refuge à Osvaldo…) qui place Ces messieurs dames au-dessus du tout-venant visuel ordinaire du genre comique.

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