• Boarding gate, de Olivier Assayas (France, 2006)

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Où ?
Au Bretagne, un des cinémas Rytman à Montparnasse. Je n’y étais encore jamais allé !

 

Quand ?

 

Hier soir

 

Avec qui ?
Seul, dans une salle très vide (nous n’étions que 4), puis vide (5 autres spectateurs sont arrivés juste à l’heure du film). Le film n’a pas eu de succès, et les salles Rytman sont d’une manière
générale peu remplies…

 

Et alors ?

 

Boarding gate est incontestablement un Assayas mineur, un de ces films vite couchés sur le papier puis vite mis en boîte, qui puisent leur urgence et leur fragilité dans
ce que la série B a de meilleur. Mais il n’est pas pour autant inintéressant, car Assayas est un auteur important dont les œuvres portent dès lors toujours quelque chose en elles ; un aspect
amplifié ici par les liens qui connectent Boarding gate au film-monstre et incontournable d’Assayas, Demonlover. À la fin de ce dernier,
l’héroïne Diane se trouve littéralement prisonnière d’un monde virtuel, sous la forme d’un site web sado-masochiste sur lequel les internautes décident des supplices subis par les filles ;
l’aventure de Sandra, le personnage principal de Boarding gate, est le prolongement (moins hardcore tout de même) de cette condition.

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Cette dernière débarque dans le film sans existence propre : pas de passé, pas de présent (aucune justification à sa présence dans l’univers du récit), pas d’avenir – hormis le nébuleux
projet d’investir dans un club (de quelle nature ?) à Pékin, elle n’a d’autre but que de finir le « niveau » en cours, pour récupérer de nouvelles instructions. Cette virtualité du
personnage est appuyée par l’utilisation faite par Assayas de son actrice. Inlassablement filmée via des reflets ou à travers des surfaces vitrées qui empêchent toute connexion directe avec elle,
Asia Argento livre une performance sciemment atone, mécanique, qui crée une sensation d’absence venant contredire l’omniprésence physique de l’actrice à l’écran. La latine Sandra n’est en réalité
rien d’autre qu’un avatar de la nordique Diane, son corps d’emprunt assigné par un intervenant extérieur – Assayas lui-même – pour cette aventure entre Paris et Hong Kong. En informatique, on
parle d’add-on pour définir un jeu dérivé d’un autre, qui en reprend les concepts et le moteur de jeu et en tire de nouveaux niveaux relookés graphiquement. Boarding
gate
transpose ce principe au cinéma, en étant un add-on de Demonlover dont un certain nombre de scènes-clés sont décalquées ici : assassinat
de sang-froid et à bout portant d’un amant, combat à mains nues entre filles dans un hôtel…

 

Sur ces bases novatrices et fragiles, Assayas façonne une création instable, qui semble condamnée par son rythme et sa consistance incertaines à s’écrouler à tout instant. Et qui, dans le même
temps, fascine pourtant dans son alternance imprévisible de surplaces inquiétants et de brusques à-coups qui renversent le récit et remettent régulièrement les compteurs à zéro. Assayas fait de
la virtualité un terreau pour la virtuosité, et crée en tout liberté des personnages charismatiques et des séquences d’action débridées – l’une d’entre elles mélange par exemple
Hostel, Psychose et Time and tide. Puisque Sandra est imaginaire, tout peut lui arriver – d’où un sentiment de
jubilation devant certaines de ses aventures improbables. Mais l’apparente démesure de ses possibilités n’est qu’un leurre puisque, dépouillée de toute substance, Sandra ne peut espérer
construire quoique ce soit de durable comme le montre la conclusion au goût amer. En reliant dans un même mouvement ces 2 réalités contradictoires – l’ivresse immédiate et le vide intérieur
qu’elle camoufle –, Assayas tend un miroir fidèle à notre société où l’abondance de tout ravit tout en diluant chaque chose et chaque être. Jusqu’à l’évaporation ?

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