• Batman, de Leslie Martinson (USA, 1966)

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Où ?

Chez un pote du lycée, en DVD zone 2 récupéré à 2€50 sur Internet

Quand ?

Mercredi soir

Avec qui ?

Une demi-douzaine de potes, pour une séance à l’hilarité mâtinée d’un désarroi certain devant l’ampleur du désastre

Et alors ?

Il est des films anciens pour lesquels l’innocence face à un univers de science-fiction ou fantastique, la pureté naïve et faite de bouts de ficelle des trucages étouffent nos possibles
réticences et participent pleinement au plaisir tranquille et sans arrière-pensée du visionnage. Citons par exemple le King Kong original, Le jour où la Terre
s’arrêta
, ou bien la version de 1933 de L’homme
invisible
qui vient de ressortir en salles.

Mais pour d’autres, ça ne marche pas.

C’est le cas pour celui qui restera, chronologiquement, comme le 1er long-métrage tiré de l’univers de Batman, tourné dans la foulée de la série TV célèbre pour ses collants
moulants et fluo et pour ses bruitages écrits sur l’écran, et avec la même équipe et les mêmes décors que celle-ci. Le film porte le concept de navet à des hauteurs insoupçonnées, par le simple
fait de son tournage visiblement expédié à toute vitesse (5 jours ? 10, peut-être ?) avec une équipe n’ayant de toute évidence pas les capacités pour affronter un tel défi :
erreurs grossières de jeu des acteurs, objectifs de caméra sales et qui le restent pendant toute la durée d’un plan, cascades effectuées sans répétitions, sans conviction, sans assurance. La 1ère
de celles-ci, où Batman et Robin « affrontent » un requin en plastique rigide sur une échelle de corde tendue depuis un hélicoptère, atteint des tréfonds ahurissants par son mélange
improbable de longueur de scène et d’absence totale d’action. Tiraillé entre le rire et les larmes, le spectateur voit l’internement et la camisole comme une alternative presque acceptable.

Recouverts de plusieurs couches d’un fond de teint qui tente de masquer leur âge avancé, et entourés de gadgets et d’accessoires chacun accompagné de son petit carton explicatif – du tiré par les
cheveux « super molecular dust separator » au trivial « fire button » – donnant à l’inverse l’impression qu’ils sont victimes de la maladie d’Alzheimer, les
acteurs se débattent avec des tunnels de dialogues répétitifs et triviaux au possible qui entravent tout rythme, toute action. (L’ironie suprême étant qu’à côté de ces précautions pour tout
rendre le plus limpide possible, certains événements du script sortent de nulle part, en particulier dans la bagarre générale finale). Par contre, ces mêmes acteurs se lâchent dans leur
gestuelle, joignant le ridicule des postures au pompeux des mots. Non seulement assistons-nous donc à un carnaval de médiocrité hurlante et épuisante, mais en plus le mélange du sérieux et de
l’hystérie donne naissance à des hybrides pour le moins troublants, au sommet desquels trône le personnage de Robin.

Ce dernier mérite un paragraphe pour lui seul. Entre 2 pas de deux aux lourds (bien qu’involontaires) sous-entendus homosexuels entre les 2 héros, les poings et les mâchoires constamment serrés
de Robin, sa propension à vouloir taper sur tout ce qui bouge, et le défouloir auquel il s’adonne jusqu’à plus soif lorsque Batman lui met finalement une arme entre les mains lui donnent déjà
l’apparence du parfait petit fasciste. L’idée à double tranchant de faire de lui le déversoir des leçons de morale, fréquentes et presque face caméra, de Batman parachève le portrait. Quand
Batman dit que les alcooliques sont faibles mais humains et méritent d’être sauvés, on ne retient que la remarque de Robin sur le dérangement d’avoir dû évacuer une bombe d’une taverne. Quand
Batman parle solennellement du respect des lois de la nature, on ne retient que la tentation de Robin de pratiquer l’eugénisme. Et ainsi de suite… On ne redécouvrira jamais assez à quel point
l’Amérique des années 50 et 60 (car oui, au fait, il y a bien sûr des communistes qui traînent comme faire-valoirs) était dotée d’une arrogance naturelle et inébranlable. Yo ho !




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