• Anvil !, de Sacha Gervasi (USA, 2008)

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anvil-2Où ?

Au MK2 Beaubourg

Quand ?

Vendredi soir

Avec qui ?

MaFemme, et quelques poignées de fans de heavy metal enthousiastes et poilus

Et alors ?

 

Anvil ! est un documentaire qui vaut plus par son sujet que par sa mise en forme. Celle-ci est très américaine, avec une insistance rapidement lourdingue sur des thématiques
« positive attitude » tout à fait écœurantes si on en abuse (l’amitié, la foi en ses rêves, la revanche finale des underdogs) ; et aussi très télévisuelle, dans les pires
travers de ce medium – la putassière vérité toute nue et le franc-parler creux des talk shows et téléréalités. Heureusement, les personnes considérées par le réalisateur Sacha Gervasi méritent
que l’on s’intéresse à elles ; et pas uniquement sous la forme du décalage édifiant mais facile de l’introduction du film, qui juxtapose leur gloire passée et leurs galères présentes.

 

Aujourd’hui, les deux membres fondateurs et toujours actifs du groupe Anvil, le chanteur Steve « Lips » Kudlow et le batteur Robb Reiner, triment dans des boulots merdiques quand hier,
au milieu des années 1980, ils se trouvaient en très bonne place sur le devant de la scène heavy metal avec leur tube fort justement nommé Metal on metal. Gervasi ne se penche pas sur le
pourquoi du comment de cette dégringolade ; son ambition est uniquement de suivre au quotidien le groupe, dans sa quête sans cesse reprise à zéro du succès de masse. Quand le « Vis ma
vie (d’ex pas tout à fait star de la musique) » alors pressenti se mue plutôt en épisode de « Strip Tease » sous l’effet du caractère des deux musiciens, un certain soulagement
prévaut inévitablement.

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Kudlow et Reiner sont une incarnation canadienne et chevelue d’un motif immémorial : les ambivalences et les mystères de la pratique artistique. Ils sont, à leur niveau, torturés entre des
aspirations intimes telles que s’exprimer, trouver sa voix propre, et des besoins plus terre-à-terre – vivre de son art, connaître la jouissance de toucher le plus grand nombre. Entre savoir
s’ils sont artistes pour eux-mêmes, ou pour le regard des autres sur eux-mêmes et cette satanée fille volage et capricieuse qu’est la reconnaissance. Avec leurs réactions verbales ou physiques
souvent maladroites (donc drôles) mais toujours sincères (donc touchantes), les deux amis personnifient jour après jour ce dilemme pour lequel ils ont malgré eux signé lorsqu’ils ont décidé,
comme le résume très bien un de leurs proches, « de vivre dans la nécessité plutôt que dans la médiocrité ». Mais l’âme humaine est ainsi faite qu’il serait parfois – souvent –
plus agréable à Kudlow et Reiner de ne vivre ni dans la nécessité ni dans la médiocrité ; et de voir leur satisfaction personnelle doublée d’un retour également positif de la part du public.
Une tournée européenne faite de bric (des dates dans des clubs miteux) et de broc (des trajets en van ou en train qui tournent constamment au cauchemar), puis l’enregistrement d’un nouvel album
en s’attachant pour une fois les services d’un producteur de talent, avancent dans cette ambiance fluctuante où l’euphorie d’un jour ressentie en jouant sa musique en live ou en ayant
entre les mains un CD de son album dont l’on est entièrement satisfait peut très vite laisser la place au cafard du lendemain, quand on n’est pas
payé pour un concert ou que les maisons de disques ne répondent pas à vos sollicitations.

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En prenant un peu de recul, on peut observer que l’existence même de ce documentaire sur Anvil conduit à une incertitude. N’est-ce là que le warholien et si vite oublié « quart d’heure de
gloire » de tout un chacun, ou bien la preuve que Kudlow et Reiner accèderont finalement à la renommée à laquelle ils aspirent ?

 

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