• Andalucia, d’Alain Gomis (France, 2007)

Je like cet article sur les réseaux sociaux de l'internet!

Où ?
Au MK2 Beaubourg, dans la 2è plus petite salle de Paris : 42 places (la plus petite est à l’Orient-Express, 39 places).

Quand ?
Mardi soir, à la séance de 22h, la dernière (le film ne passait plus à partir du lendemain).

Avec qui ?
Seul, dans une salle presque pleine – même si ça ne représente qu’une trentaine de spectateurs, c’est toujours plus que d’autres films distribués de façon plus confortable.

Et alors ?

Andalucia est un film-ovni français passé inaperçu alors qu’il est potentiellement porteur d’une vive polémique. Il raconte en effet le parcours initiatique de Yacine,
fils d’immigré arabe, fils d’une cité-dortoir, aux yeux duquel les propositions faites par la société française sont autant d’impasses ou de fins de non-recevoir. Yacine choisira finalement
l’exil, le retour aux sources (le titre vient de là : la marche finale de Yacine passe par l’Espagne, et en particulier par Séville).

Le héros est arabe, mais il pourrait tout aussi bien être noir – beaucoup de personnages secondaires du film le sont, d’ailleurs. En effet, à travers une suite de saynètes débordantes de cinéma,
Andalucia dénonce les non-débouchés pour tous les non-blancs quels qu’ils soient. Au choix : occuper des boulots tangibles, utiles mais dépréciés socialement
(carrosseur, poseur de goudron – leurs gestes, leur souci du travail bien fait sont filmés, couvés avec beaucoup de respect, d’attention par la caméra du réalisateur) ; faire fortune dans
l’univers du spectacle, où se mêlent jouissance éphémère et artifices à tout bout de champ (a contrario, le regard de Gomis sur les industries du cinéma, de la musique est sans concession) ;
ou se laisser dériver dans le monde des sans-abris, de la soupe populaire servie dans les jardins publics. Cette dernière voie donne au film ses scènes les plus réussies, les plus libres de toute
contrainte. Le point d’orgue en est la recréation improvisée, entre SDF, de l’action la plus belle de toute l’histoire du foot (selon Yacine ; pour vous faire votre propre opinion, on en
trouve les images ici, à 1min20s).

Les blancs sont présents une seule fois, dans la dernière séquence avant la fuite finale du héros. Cette scène montre, par le biais d’une visite d’un appartement, l’étendue du gouffre que Yacine
– et Gomis à travers lui – voit entre les 2 camps, celui des « installés » et celui des « temporaires ». Les premiers semblant ne pas trop savoir s’ils veulent ou non des
seconds, hésitation hypocrite que l’artificialité de la scène, son caractère mécanique et surtout son manque total d’affect mettent à nu comme autant de coups de griffe exaspérés. Dans cette
scène difficile, sur le fil du rasoir comme dans le reste d’Andalucia, il fallait un acteur en or pour porter cette allégorie ambitieuse et revancharde. Gomis l’a trouvé
avec Samir Guesmi – que vous avez forcément déjà vu (dans Le voyage à Paris, Qui perd gagne, Ne le dis à
personne
…), puisqu’il fait du cinéma depuis 20 ans maintenant. Son mélange de douceur rêveuse et de violence mal contrôlée, mal vécue correspond parfaitement à l’ambiance
instable, hésitante, pleine de rêves trop de fois et depuis trop longtemps brisés du film.

 

Les commentaires sont fermés.