• Amreeka, de Cherien Dabis (Koweït-USA, 2009)

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Où ?

Au Forum des images, à l’occasion de la reprise de la sélection de la Quinzaine des Réalisateurs. Amreeka est ensuite sorti en salles (sous le titre « traduit »
Amerrika qui ne veut rien dire dans aucune langue et mériterait presque un boycott) le 17 juin dernier

 

Quand ?

Début juin

 

Avec qui ?

Ma femme

 

Et alors ?

 

J’attendais d’avoir vu Jaffa (sorti le 10 juin), de la réalisatrice israélienne Keren Yedaya dont le premier long-métrage Mon trésor avait été un incroyable choc,
pour faire un article couplé entre ce film et Amreeka, cousins par leur enracinement géographique et culturel. Mais Jaffa m’a déçu, ou plutôt frustré ; les
quarante première minutes poursuivent sur le même niveau d’excellence que Mon trésor, avant que la réalisatrice ne décide soudainement d’abattre toute la structure de son film.
Lequel ne vit alors plus, pendant l’heure restante, que dans le souvenir de cette introduction qui ne sera jamais suivie d’effets, comme on peut rester paralysé dans le souvenir d’un proche
disparu trop tôt.

Amreeka y gagne donc une chronique à lui seul. Voilà un film qui brille principalement par son mélange de genres, de lieux, de protagonistes qui habituellement restent fortement
séparés, cloisonnés sans dialogue. Le premier quart d’heure du scénario se joue en Palestine, dans les territoires occupés de Cisjordanie, morcelés par les checkpoints de l’armée israélienne et
écrasés par l’ombre du mur géant construit par ce même pays. Dans Amreeka, cet endroit du monde, cette partie du film ne sont pas présentés dans leur cadre classique du film
politique traitant du conflit israélo-palestinien ; on y suit des hommes et des femmes dont la vie au quotidien est devenue insoutenable – qu’il s’agisse de l’alimentation, du travail, de
l’éducation. On pense alors à la remarquable « web série » d’Arte, Gaza/Sderot (visible à l’adresse http://gaza-sderot.arte.tv/fr – vraiment, allez y jeter un œil, le concept est excellent et les épisodes de une à deux minutes chacun sont captivants), qui
fait de la même manière de la guerre entre les deux peuples une menace invisible, dont l’on ne voit que les répercussions triviales sur des existences ordinaires, non partisanes.

Quand ils s’en voient offrir l’opportunité pour émigrer aux USA, la mère et son fils qui sont au centre d’Amreeka quittent leur terre natale en grande partie pour échapper à ce
surmoi politique et communautaire dont ils ne veulent pas… mais qui va leur retomber dessus de toutes parts une fois arrivés. L’action du film est située pendant l’invasion américaine de
l’Irak. La ficelle scénaristique est un peu grosse, mais elle est traitée avec suffisamment de doigté pour ne pas étouffer le récit. Leur identité arabe explicite pose à la mère et au fils des
problèmes insolubles, elle dans sa recherche d’un emploi correspondant à ses diplômes et lui dans son intégration à son nouveau collège. Tous deux pénètrent ainsi sur les terres d’un autre genre
cinématographique très codifié : celui du film indie américain situé dans un lieu replié sur soi-même (une campagne profonde, une banlieue morose) dans lequel les individus qui
s’écartent de la norme instituée par la majorité dominante se font maltraiter par les crétins rustres qui règnent par la force sur ce petit monde. Citons en exemple Boys don’t cry, ou Gran Torino plus récemment. Amreeka ressemble
sur plusieurs aspects à une variation en mode mineur de ce dernier, avec lequel il partage le même thème central de la transmission d’une génération de migrants (les juifs d’Europe de l’Est
d’hier) à une autre (les Hmong chez Eastwood, les Palestiniens ici) des méthodes de conservation de son intégrité, de son identité.

A l’image du jeune héros de Gran Torino, celui de Amreeka se trouve à la croisée des chemins. Il doit choisir entre la réussite à long terme, ardue (via les
études, le respect de la loi) ou bien la facilité de la criminalité et de la violence à très court terme, sans avenir. En faisant simple et en parlant de toute évidence de choses qu’elle connaît,
la réalisatrice et scénariste américaine de parents jordaniens Cherien Dabis – premier film – traite correctement cette problématique puissante. Elle sait de plus s’appuyer sur de très bonnes
comédiennes, connues (Hiam Abbass) ou pas (Nisreen Faour). Toutefois, le manque d’expérience certain de Dabis fait de son film une œuvre assurément bien moins marquante que celui d’Eastwood. Elle
devra surtout travailler à mieux équilibrer son travail entre la scénariste qu’elle est à la base et la réalisatrice qu’elle aspire à être. Par moments, Amreeka est en effet un
stéréotype de ce que l’on appelle un « film de scénariste » ; où certaines idées de scènes étaient assurément très bonnes sur le papier mais, une fois appliquées telles quelles à
l’écran – un tout autre médium d’expression -, deviennent maladroites voire hors sujet. L’épilogue par exemple est particulièrement raté. Vous êtes prévenus ! :-)

 

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