• Le prince de New York, de Sidney Lumet (USA, 1982)

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Où ?
À la cinémathèque, où vient de s’ouvrir une rétrospective consacrée au cinéaste

 

Quand ?

 

Jeudi soir

 

Avec qui ?
Seul (suite au désistement de dernière minute de mon compère de cinémathèque), dans la grande salle pleine – et enthousiaste (applaudissements à la fin de la séance).

 

Et alors ?

 

Dans 12 hommes en colère, Henry Fonda était seul honnête et brave contre tous et gagnait. Dans Serpico, Al Pacino était seul honnête et brave
contre tous ; et perdait. Dans Le prince de New York, Danny (Treat Williams) est seul contre tous mais n’a plus rien d’honnête ou de brave – et son destin ne se
décide qu’à l’ultime scène. La question (récompensé, ou non ?) n’y est d’ailleurs pas réellement tranchée pour ce membre de la brigade des stups (l’élite de la police de New York) qui décide du
jour au lendemain de collaborer avec la justice pour combattre la corruption dans les milieux judiciaires et policiers, y compris dans son ancienne unité qui n’était pas la dernière pour se
servir dans les butins.

 

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Les motivations de Danny
restent floues jusqu’au bout : un mélange de désir d’absolution, de vanité et d’amour immodéré du risque le conduit sur cette pente dangereuse. Ce refus de s’appesantir sur la psychologie, qui
prévaut pour tous les personnages, participe à la création d’une ambiance tendue et malsaine, soutenue par une superbe lumière crépusculaire, où chacun semble avoir quelque chose à cacher et agit
dans l’urgence pour doubler les autres. La démultiplication des décors (plus de 130) et des intermédiaires véreux impliqués dans les affaires successives démontées par Danny joue sur le même
registre, à savoir reproduire le vertige créé par ce système vicié jusqu’à l’os. Ce n’est pas un hasard si Lumet filme presque en permanence en plongée : définitivement revenu de ses convictions
de ses premières années, le cinéaste observe avec dépit et dégoût cette meute machiste, qui se complait dans la violence physique autant que verbale (les insultes racistes volent avec 1 rare
férocité).

 

Lumet canalise cette rage froide qui l’habite pour en faire le moteur d’un film remarquablement cohérent et maîtrisé. 20 ans avant The Shield et les reportages
embedded, Le prince de New York est un modèle d’œuvre exploitant l’énergie et l’équilibre instable du documentaire comme ressorts dramatiques de premier choix.
Par le montage coupé au cordeau, le jeu à fleur de peau des acteurs, les déplacements de la caméra dans les décors, Lumet crée pour chaque scène l’illusion qu’il s’agit d’une prise unique captée
à l’arraché sur le terrain, au coeur de l’action. Le découpage en épisodes introduits par un titre et un générique (les pièces d’identité des protagonistes de l’intrigue à venir) renforce la
paternité avec les fictions TV dans ce qu’elles ont de meilleur. J’avais parlé dans un précédent
post
des films-chants du cygne de plusieurs grands réalisateurs américains au début des années 80 : avec Le verdict la même année, Le prince de New
York
est un peu cela pour Lumet, qui clôt là une décennie de réussites majeures sur le pouvoir policier (Serpico) et médiatique
(Network, Une après-midi de chien). Depuis, il n’a jamais – même de loin – atteint la même intensité ni la même ambition.

 

La rétrospective consacrée à Sidney Lumet à la Cinémathèque dure jusqu’au 12 septembre. La plupart des films n’y seront diffusés qu’une seule fois, et parmi
ceux-ci se trouvent un inédit (The offence, 1972, avec Sean Connery, le 27 août à 20h30) et une avant-première (7h58 ce matin-là, avec Ethan
Hawke et Philip Seymour Hoffman, le 9 septembre à 20h).

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