• La concurrence de Pixar prend forme (et c’est pas trop tôt) : Megamind, de Tom McGrath et Raiponce de Nathan Greno & Byron Howard (USA, 2010)

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megamind-5Où ?

Au ciné-cité les Halles

Quand ?

Jeudi soir, à 20h30 puis 22h30

Avec qui ?

Mon frère, pour étrenner sa carte UGC illimité toute fraîche

Et alors ?

 

megamind-3Il se passe enfin quelque chose dans le monde de
l’animation hollywoodienne, après plusieurs années marquées par une certaine morosité – l’hégémonique Pixar piétinant pour la première fois de son histoire et ne parvenant pas à réitérer le coup
d’éclat des Indestructibles, et les
studios rivaux se montrant malgré tout incapables de se hisser à sa hauteur. Et voilà qu’en l’espace de quinze jours surgit une double alternative crédible : de la part de Dreamworks
(Megamind), et de Disney (Raiponce). Pour y parvenir chacun s’en est tenu à son domaine de prédilection – le divertissement écervelé pour l’un,
le conte de fées avec princesse pour l’autre –, tout en « empruntant » sans trop de vergogne chez Pixar de quoi relever le plat servi.

 

Du côté de Dreamworks, la combine est connue mais n’avait pas servi depuis un petit moment. Puisque les idées de scénario du voisin sont si bonnes, il n’y a qu’à les reprendre.
Megamind singe ainsi Les indestructibles dans son principe (démonter le mythe et les codes des super-héros et les refondre d’une manière plus
moderne et spirituelle) comme dans certains éléments plus précis. Les ressemblances entre la Metro City de Megamind et la ville du film de Pixar sont fortes ; le
personnage de Titan est une reprise du méchant Syndrome, hybridé avec l’humour de son interprète vocal Jonah Hill (Supergrave). Mais cela reste de l’ordre du
détail quasi indolore, car le sujet traité est suffisamment fort pour faire naître chez Dreamworks une chose inimaginable : de l’inspiration. Venant de ce studio, on pouvait s’attendre à une
parodie inconsistante de film de super-héros, qui se contenterait paresseusement d’une assez bonne idée qu’elle sucerait jusqu’à la moelle. Megamind nous prend
complètement à revers en offrant une relecture habile et inventive du genre, à la mise en scène virevoltante (scènes d’action fulgurantes, effets spéciaux innovants – la voiture invisible) et
appuyée sur un scénario qui rebondit sans cesse.

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La situation de départ vendue par la campagne promotionnelle du film, l’affrontement entre un super-gentil beau gosse (Metroman) et un super-méchant bleu et grosse tête (Megamind) venus d’un
autre système solaire que le notre, ne subsiste ainsi pas plus que le temps d’un prologue survolté. Une autre vient s’y substituer sans ménagement, puis encore une autre et ainsi de suite
jusqu’au terme du récit. A aucun moment le film ne nous donne l’impression de faire du surplace, de vivre de la rente de ses idées précédentes – c’est même tout le contraire qui se passe. Les
audaces qui émaillent cette générosité narrative (disparition de certains protagonistes, revirement de caractère d’autres) laissent incrédule venant de Dreamworks, qui pour le coup se hisse
presque au niveau de Pixar en matière d’intérêt des personnages. Ceux-ci ne sont pas de simples robinets à blagues, mais bénéficient d’un réel traitement psychologique en mesure de les rendre
attachants ou inquiétants.

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Ce n’est pas pour autant qu’ils ne sont pas drôles ascendant stupides. Il n’y a aucun souci à se faire de ce côté, car l’autre idée géniale du studio a été de confier les héros de
Megamind à des experts ès stupidité. Sur le devant de la scène, c’est un quatuor de feu qui donne de la voix aux personnages principaux et garantit un feu d’artifice
comique richement fourni : Will Ferrell, Tina Fey, Jonah Hill et David Cross (de la sitcom Arrested development). Mais surtout, rôdent dans les coulisses une partie
des cerveaux du mythique Zoolander, Ben Stiller et Justin Theroux. Leur présence est assurément pour quelque chose dans le ton du film, en particulier sa
manière d’asséner avec un aplomb inébranlable tous ses gags, même les plus absurdes ou infondés. Megamind n’est peut-être pas Les
indestructibles
, mais il opère la rencontre improbable – et couronnée de succès – entre Batman et Derek Zoolander. Difficile de ne pas être bluffé, et ravi.

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Chez Disney, l’emprunt à Pixar est John Lasseter en personne, l’un des fondateurs du studio d’animation et créateur entre autres de la saga Toy story.
Lasseter a accepté l’offre de Disney de prendre la direction de son département dessins animés, et a pris l’excellente décision de le recentrer sur ce qu’il sait faire de mieux, depuis des
décennies – les contes de fées. Après une décennie passée à courir dans toutes les (mauvaises) directions comme un poulet sans tête, et à s’égarer dans des films que tout le monde a d’ors et déjà
oublié (Frère des ours, Chicken little, Volt…), cette réorientation porte sans attendre ses fruits avec les bons et
beaux La princesse et la
grenouille
et maintenant Raiponce, adapté du conte des frères Grimm.

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Le classicisme à l’œuvre dans Raiponce vient avec son lot de petites tares désuètes : drame originel frappant une famille royale régnant sur une cité idyllique,
chansons romantiques toujours aussi cucul la praline. Mais si les fondations restent invariablement les mêmes et accusent leur âge, les ravalements de façade dont Disney est capable au fil des
générations pour rester en phase avec son temps ont quelque chose de magique dans leur constance et leur efficacité. Dans Raiponce, la mère de l’héroïne est vue enceinte
dans le prologue, le coup de couteau presque mortel porté par la méchante au héros est montré très crûment, et de nombreux autres détails enracinent le film dans un souci moderne de
vraisemblance. Si l’intrigue y échappe – mais ses rebondissements tirés par les cheveux [ah ah] sont soldés rapidement, histoire de vite passer à la suite –, les personnages sont eux
aussi empreints de modernité : Raiponce est une princesse mais avant tout une fille volontaire, active et avide d’émancipation ; son partenaire Flynn est un bandit séducteur mais avant
tout un garçon pas toujours très adroit ni sûr de soi, et qui doit être secouru autant de fois voire plus que le contraire.

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Il flotte comme un esprit d’égalité des sexes sur tout cela, enfin lorsqu’un humour absurde des plus inspirés ne vient pas tout emporter sur son chemin. Lors de ses coups de folie qui donnent au
personnage du cheval Maximus le comportement d’un chien, font de la poêle à frire l’ustensile plébiscité par tous dans les bagarres, ou dessinent Flynn avec un nez toujours difforme et différent
sur les affiches de récompense pour sa capture, Raiponce ajoute un nom de plus à la liste des délectables pétages de plombs de Disney, sous ceux d’Aladdin et de Kuzco. La séquence de la taverne, avec son couplet « I’ve got a dream »
chanté et dansé par une bande de brigands aux trognes fabuleuses, est le point culminant de ce joyeux délire. C’est aussi un des nombreux moments où le film nous en met plein la vue sur le plan
visuel. De même que Megamind nous surprend par sa qualité narrative, Raiponce se saisit de manière inattendue d’un double titre : celui de
plus beau film d’animation (conçu) en 3D, et celui de plus beau film d’animation (projeté) en 3D.

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Dans le premier cas, celui de la réalisation, Raiponce met en évidence l’arbitraire d’un choix réducteur mais qui était jusqu’à maintenant la norme en matière de dessins
animés en 3D. Cette nouvelle technique de création était considérée comme devant être utilisée pour obtenir un graphisme non pas artistique mais efficace ; qui aspire moins à la beauté
qu’à une reproduction plausible du monde réel. C’est encore le cas dans Megamind, et c’est le cas même chez Pixar où l’esthétique est plus un moyen qu’une fin. Disney
est donc le premier à faire un film en 3D qui soit en mesure de rivaliser avec l’éclat des créations en 2D. Les décors sont une suite de toiles enchanteresses, tant par leurs couleurs brillant de
mille feux que par l’exceptionnel souci du détail qui y règne dans la création des étoffes, du mobilier, des expressions. L’univers visuel du film n’est ainsi pas simplement établi, il est
vivifié, magnifié. Chaque scène est un festin pour les yeux, ce qui maintient à flot celles que d’autres éléments tirent vers le fond : le superbe tableau impressionniste que les artistes de
Disney tirent de la séquence du lâcher de lanternes fait complètement oublier la soupe musicale qui nous est assenée simultanément.

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Raiponce réhabilite également le principe de la projection en relief, qui avait bien besoin d’un tel représentant après une année 2010 au cours de laquelle se sont
succédé les cancres plus attirés par l’appât du gain que par le pari esthétique. Raiponce est la plus belle réussite de projection en 3D depuis Avatar, avec
lequel il rivalise même d’égal à égal sur ce point – les scènes de poursuite en forêt, mètre-étalon de l’excellence technique du film de Cameron, sont tout aussi grisantes et luxuriantes ici.
C’est l’intégralité de la mise en place visuelle de Raiponce qui a été pensée en tenant compte du relief : la taverne, l’agencement des maisons de la capitale du
royaume, et tous les autres lieux par où passent Raiponce et Flynn (mais ces deux-là sont les plus impressionnants) l’affirment haut et fort et n’en sont que plus beaux, pour le public chaussé de
ses grosses lunettes rouges.

Une réponse à “La concurrence de Pixar prend forme (et c’est pas trop tôt) : Megamind, de Tom McGrath et Raiponce de Nathan Greno & Byron Howard (USA, 2010)”

  1. [...] subversif, adouci mais agissant de manière virale – voir la participation des deux premiers à Megamind, et le premier rôle de Carell dans The office. Éric et Ramzy, pour leur part, ont pu observer à [...]