• Irma la douce, de Billy Wilder (USA, 1963)

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Où ?

A la maison, en DVD zone 2 du coffret Billy Wilder de Noël (il ne reste plus qu’un film après !)

 

Quand ?

Mardi soir

 

Avec qui ?

Ma femme

 

Et alors ?

 

Encore plus que du musical dont il est l’adaptation, Irma la douce est issu de l’alliance improbable des deux longs-métrages de Billy Wilder qui le précèdent : La garçonnière et Un, deux, trois. Le cinéaste réunit le duo Jack Lemmon – Shirley
MacLaine du premier, dans une configuration sentimentale similaire (ils s’aiment, mais lui est beaucoup trop introverti et elle trop extravertie pour que leur couple fonctionne réellement avant
la toute dernière scène) ; et il les plonge dans l’ambiance de cartoon débridé et dans le cadre européen – l’une et l’autre étant sûrement liés, Wilder n’ayant jamais caché à quel point il
trouvait les américains coincés – du second film. Du Berlin réaliste de la Guerre Froide dans Un, deux, trois, on passe dans Irma la douce à un Paris populaire de
carte postale, dont la gouaille et le folklore volontairement appuyés à outrance s’accordent avec l’explosion de couleurs vives, chimériques, dont le réalisateur a recouvert son premier film à ne
pas être en noir et blanc.

La couleur la plus marquante du film est précisément la plus improbable d’entre elles : le vert fétiche d’Irma, dont elle use sans retenue pour la décoration de son appartement, pour le
ruban qui orne la tête de sa chienne Coquette, pour ses vêtements et sous-vêtements en dentelle. Si nous nous trouvons en mesure d’être au fait de la couleur des dessous du personnage, c’est en
raison de sa profession. Irma est une des prostituées de la rue Casanova, dont toute l’activité tourne autour de ce commerce, à l’ombre du grand marché d’alimentation qu’étaient encore les Halles
à l’époque. L’évolution du rôle écrit par le duo Wilder – Diamond pour la brillante Shirley MacLaine entre La garçonnière et Irma la douce accompagne la libération
des mœurs qui commence à percer à cette époque. Dans La garçonnière, elle était soumise au bon vouloir de ses amants et rendue dépressive par cette absence de contrôle sur sa
propre existence ; dans Irma la douce, la voici fièrement émancipée financièrement et sexuellement, et libre de mener sa vie comme elle l’entend sans avoir de comptes à
rendre à qui que ce soit. De fait, dans la seconde moitié du film, le principal ressort du scénario sera l’incapacité du mâle lambda joué par Jack Lemmon, Nestor Patou (n’est-ce pas là
l’un des meilleurs noms de personnage comique auxquels il est possible de penser ?)
, à accepter cette situation d’égalité des sexes, voire de domination féminine (une problématique que
Wilder reprendra dans Avanti !, encore une
fois situé en Europe).

Avant d’aboutir à ce fil directeur, il y a dans Irma la douce une de ces savoureuses expositions à rallonge dont seul Wilder avait le secret. Plutôt que de simplement et
hâtivement présenter les protagonistes et leur milieu pour entrer au plus vite dans le vif du sujet, le cinéaste fait précisément de cette présentation le vif du sujet en transformant des
embryons de péripéties en digressions étincelantes traitées comme s’il s’agissait de films à part entière. La transition en deux temps faisant passer Nestor Patou de flic à mac d’Irma – d’abord
perdre la place de flic, puis gagner celle de mac – s’étale ainsi sur trois-quarts d’heure prodigieux d’inspiration comique, au cours desquels les traits de génie fusent sans discontinuer.
Ceux-ci peuvent se nicher dans des détails de décors et d’accessoires, dans des répliques foudroyantes, ou encore dans ces gags à double détente, qui font rire une première fois lorsqu’ils sont
mis en place, qui se font oublier tandis que nous sommes mitraillés d’autres blagues… et qui explosent une seconde fois, le plus souvent pour clore une scène sur une note inouïe. Les billets
glissés par les prostituées dans le képi de Patou en guise de pot-de-vin en sont un parfait exemple.

Les bobards tire-larmes racontés par Irma à ses clients qui rythment le générique de début, la rafle menée en solitaire par Patou contre l’ensemble des prostituées de la rue Casanova, son combat
à mains nues « épique » contre Hippolyte le Bœuf, le précédent mac d’Irma, comptent au nombre des séquences construites sur ces bases ; leur enchaînement ininterrompu est peut-être
bien ce que Wilder a écrit de plus génial. Le revers de la médaille d’une telle démonstration est qu’une fois placé sur ses rails plus prévisibles et plus cadrés, le film marque forcément le pas
en comparaison. Il y a encore de très bonnes choses dans ce deuxième acte : le grimage de Lemmon en lord anglais est bluffant, et les séquences muettes de pur comique visuel au marché des
Halles tout autant que les cuites de Coquette au champagne sont hilarantes. Mais rien à faire, les attentes immenses engendrées par la prodigalité du début sont alors déçues. Heureusement, la fin
du film est le siège d’un virage complet vers le pur délire débarrassé de tout souci de réalisme – évasion de prison à base de barreaux écartables à mains nues, résurrection au milieu des flots
de la Seine, dédoublement de personnalité. Ce feu d’artifice comique ne respectant plus aucune convention ni ligne de conduite redonne à Irma la douce le coup de fouet nécessaire
pour conclure en beauté.

 

Une réponse à “Irma la douce, de Billy Wilder (USA, 1963)”

  1. la cinéphile masquée dit :

    juste le nom « Nestor Patou » suffit à convaincre de regarder ce film, non?
    bravo pour l’article