• …All the marbles, de Robert Aldrich (USA, 1980)

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Où ?

A la cinémathèque, dans le cadre de la rétrospective intégrale consacrée au cinéaste

 

Quand ?

Lundi soir

 

Avec qui ?

Seul

 

Et alors ?

 

All the marbles (Deux filles au tapis en VF) est tout proche de ce qui peut se faire de mieux comme point final à une carrière de réalisateur. Surtout quand le
réalisateur en question est Robert Aldrich, dont toute la filmographie a été placée sous le signe de la pure énergie dévastatrice et du refus de tout ce qui est établi – l’ordre, le tact, le bon
goût, les convenances. Pour détourner un célèbre vers du poète T.S. Eliot : He ended not with a whimper, but with a bang.

 

Pour poursuivre dans la grille de lecture « film-testament », on peut de plus voir en filigrane du personnage de Harry, le manager joué par Peter Falk, une évocation de la figure de
l’auteur-réalisateur aux prises avec le système hollywoodien (qui n’a jamais pardonné à Aldrich Le grand couteau et sa satire véhémente). Harry tente de vendre la performance proposée par les deux perles du catch féminin qu’il a sous son
aile, les California Dolls, sur leurs qualités propres et à rebours des formules prisées par les promoteurs : la beauté contre la vulgarité, la technique contre la tricherie, en bref la
qualité contre la médiocrité. Les succès d’estime et les sèches fins de non-recevoir constituent la routine du trio le long des routes du pays qu’ils parcourent en long, en large et en travers en
quête de quelques centaines de dollars… aussitôt dépensés pour aller honorer le contrat suivant. En bout de course, ils décident de prendre l’establishment à son propre jeu en
dupliquant, pour un combat de prestige contre les championnes en titre, toutes ses techniques en plus excessif, outrancier : prostitution, costumes et mise en scène clinquants, séduction
putassière du public, mépris des règles du combat. La stratégie rappelle fortement celle appliquée par Aldrich à la fin des années 1960 pour décrocher des succès commerciaux au nez et à la barbe
d’Hollywood – Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?, Les douze salopards.

Lequel Aldrich reproduit en quelque sorte une fois de plus la manœuvre dans …All the marbles, en donnant à nous spectateurs ce que nous attendons, à travers cette séquence finale
absolument renversante, doublée d’une éclatante revanche des héros sur leur sort. En quelque sorte seulement car il aurait fallu, pour que la manipulation soit pleinement avérée, que le scénario
ait auparavant joué sur la corde sensible et sur l’apitoiement à l’égard des personnages. Or il n’en est rien, Aldrich déroulant son récit avec évidence et immédiateté, sans calcul. Les scènes
sont courtes, le rythme soutenu, la musique discrète, et le thème à fort potentiel casse-gueule qu’est le catch féminin est traité aussi frontalement qu’il est possible de le faire. Le
climax de …All the marbles en appelle dès lors plus à nos tripes qu’à nos sentiments, et vise principalement (uniquement ?) à nous projeter hors de nos sièges sous
l’effet de la furie qui éclate à l’écran pendant une bonne dizaine de minutes. Le but d’Aldrich est purement spectaculaire.

En cela, et même s’il n’a à ce jour pas encore été explicité comme tel, on ne serait pas surpris que …All the marbles fasse partie des films de chevet de Quentin Tarantino. Une filiation certaine existe en effet entre ce
long-métrage et l’œuvre de ce dernier : personnages de femmes fortes et d’hommes hypocrites qui ont en commun de ne pas peser grand-chose dans la société, plongée au fin fond des USA,
plaisir des joutes verbales ciselées, sujet improbable, digressions comiques savoureuses (la soirée à la table de craps, la catcheuse « Big Mama »)… et donc, grand feu de joie final où
toute l’ardeur contenue jusque là explose d’un seul coup et n’en finit plus d’embraser la pellicule – exactement comme dans, tiens donc, Inglourious Basterds. Tarantino est le digne successeur
d’Aldrich en matière d’efficacité et d’exubérance du récit cinématographique.

« We want the Dolls !!! »

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