• « The whole country is drinking » (Mad Men, fin de la saison 3)

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Cela a été dur, mais je me suis retenu de rédiger dès la semaine dernière un billet sur les épisodes 10 à 12 de la troisième saison de Mad Men. Dur, car l’épisode 12 s’attaque
sans ciller à un événement monstrueux : la mort de JFK le 22 novembre 1963, et que c’est forcément le genre de chose dont l’on a envie de parler sans plus attendre. Mais nécessaire car il
restait alors un seul épisode (au titre génial : « Shut the door. Have a sit ») pour clore la saison ; or la dramaturgie anti-spectaculaire de la série fait que
chaque saison fonctionne comme un tout.

En plus, il y avait un certain nombre d’aspects qui me gênaient dans l’évolution de la série au cours des derniers épisodes, et il aurait été prématuré de les étaler avant d’avoir eu sous les
yeux l’intégralité des idées et des intentions de l’auteur du show, Matthew Weiner. Maintenant que la saison est bouclée, le verdict (le mien en tout cas) peut tomber : bien que
toujours largement supérieure dans l’absolu au tout-venant de la production télévisuelle, cette nouvelle livrée des Mad Men est la moins bonne des trois ayant vu le jour. Sur la
lancée du superbe épisode 6, Guy walks into an advertisement
agency
, je pensais la saison partie pour atteindre des sommets. Mais cet épisode était en réalité lui-même le sommet, derrière lequel se cachait une redescente en pente douce
réduisant à la portion congrue la quasi-totalité des histoires annexes (le rachat par les anglais, les envies de départ de Pete Campbell et Peggy Olsen, l’excentrique et fascinant Conrad Hilton,
propriétaire des hôtels du même nom…) pour se focaliser sur les tourments du couple formé par Don et Betty Draper. Le hic étant que ces déboires conjugaux ne diffèrent que trop peu de ceux déjà
exposés dans la seconde moitié de la saison précédente… Un virage en particulier est selon moi raté, à regret : la tentation d’adultère de Betty refoulée au moment du passage à l’acte, ce
qui fige celle-ci et son (futur ex- ?) mari dans les positions qui sont les leurs depuis les premiers jours de la série.

Prise séquence par séquence, Mad Men est toujours un ravissement d’écriture et de mise en scène. Il suffit pour s’en rappeler de voir dans l’ultime épisode l’annonce aux enfants
de la séparation, et l’attitude soudain physiquement menaçante de Don, qui glace le sang ; ou dans celui qui précède, l’idée géniale de faire se dérouler au lendemain de l’assassinat de
Kennedy un mariage de sympathisants républicains – dont la fille de Roger Sterling – et de déporter sur cet événement les réactions des uns et des autres à la tragédie nationale en cours. [La
démonstration du fait que ce drame fut le premier événement télévisuel d’envergure est également remarquable]. Mais le canevas d’ensemble de la série, son inspiration sur le long terme, ne sont
plus à la hauteur de ce talent inné. La saison 3 ronronne sereinement mais ne débouche sur aucune progression (hop, voilà les spoilers) : Don et Betty en sont revenus à leur état de
divorce en suspens, Joan est de retour, les diverses sollicitations professionnelles externes à l’agence Sterling Cooper sont de l’histoire ancienne, sort également réservé aux acheteurs anglais
de la firme. Ce dernier point fait d’ailleurs l’objet dans l’épisode 13 d’une blague récurrente (« We’re sold »« Again ? ») dont l’on ne sait trop si
son message ironique quant au mouvement de répétition de la série est volontaire ou non.

Un dernier point est de nature à inquiéter : la stratégie du reset appliquée dans le dernier épisode, avec la constitution d’une nouvelle agence par les piliers historiques du
show. D’expérience, cette solution scénaristique spectaculaire n’atteint jamais son but de réinvention d’une série en relatif manque d’idées, elle en prolonge juste artificiellement
l’existence – cf. les cas de Nip/Tuck, Weeds, ou encore The X-files. En appliquant les mêmes méthodes que celles-ci, Mad Men descend de son piédestal
d’œuvre d’exception pour rentrer dans le rang des « simples » séries TV. Mais elle reste l’une des meilleures de ses séries, et des pépites comme l’épisode intégrant la mort de JFK sont
encore certainement envisageables dans les saisons à venir.

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