• Les déjà-vus de l’été – 4

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La frontière de l’aube, de Philippe Garrel. Tout est dit .

 

Une scène m’a particulièrement marqué dans cette deuxième vision : la rupture entre François (Louis Garrel) et Carole (Laura Smet), qui va conduire celle-ci, déjà très fragile avant cela, au
suicide. La scène se déroule à la table d’un café ; elle est filmée en un plan-séquence divisé en trois parties. La caméra est d’abord placée à hauteur de la table, suffisamment en retrait
pour saisir dans le cadre les bustes des deux personnages, elle de face et lui de dos. Le rapport de force entre eux deux, en particulier l’importance de François dans la vie de Carole, est
criant dans la composition de ce plan.




Un zoom avant mène ensuite, grâce au reflet dans le miroir mural situé derrière les ex-amants, de ce premier cadrage à un gros plan sur le visage de François, fuyant, mal à l’aise, et
certainement pas amoureux. Enfin, depuis cette position la caméra glisse sans bouger dans la profondeur, mais uniquement en latéral, vers l’autre visage, celui de Carole, vu en plan encore plus
serré.




A cette continuité fluide de la scène répond la lâche dureté du comportement de François, qui ne cherche absolument pas à arrondir les angles. « Tu te souviens quand je t’ai demandé si
tu m’aimerais encore si j’étais folle ? »
« Non ». « Je vais partir pour Los Angeles »« D’accord ». « T’as
quelqu’un dans ta vie ? »
« Oui ». Carole résiste autant que possible aux deux premiers assauts, mais le dernier est trop sèchement asséné, trop cruel, trop
inattendu pour ses faibles défenses. Et la caméra est là, tout près, pour capturer de façon totalement impudique sa réaction tandis qu’elle se fait mettre K.O., sa désagrégation progressive mais
désormais irréversible. La scène suivante est celle du suicide de Carole.

 

Un autre plan magnifique de frontalité vient conclure – ou presque – le film : le miroir dans lequel Carole apparaît à François d’entre les morts, vu de face, comme si c’était nous, nos
lâchetés et nos remords, que ce portail regardait si fixement.

Une réponse à “Les déjà-vus de l’été – 4”

  1. D&D dit :

    Bonjour,
    Tout à fait séduit par votre idée des « déjà vus ». Elle va me permettre de découvrir votre billet sur le film de Garrel, puisque je ne connaissais pas encore votre blog à l’époque. Et j’aime beaucoup comme vous rappelez ici cette très belle scène, épurée et dure, dans le café.