• L’échange, de Clint Eastwood (USA, 2008)

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Où ?

Au ciné-cité Bercy, dans une salle de taille moyenne bien qu’il fût question d’une avant-première du nouveau film d’un cinéaste de légende

Quand ?

Mardi soir

Avec qui ?

Ma femme

Et alors ?

Dès les premiers instants de L’échange, quelque chose cloche. C’est d’abord un vulgaire carton « une histoire vraie » qui vient s’accoler au titre du film, dans une
police aussi grande ; puis une succession de plans introductifs qui semblent plus motivés par le besoin de justifier d’une débauche de moyens – accessoires, costumes – et d’effets visuels
(innombrables plans d’ensemble de villes en images de synthèse) au service de la reconstitution historique, que par le souci de poser les bases d’un récit.


Chaque séquence ou presque de la suite de ce long film confirme ces doutes initiaux. Par rapport aux derniers opus d’Eastwood (Mystic river, Million dollar baby,
et le diptyque Mémoires de nos pères / Lettres d’Iwo
Jima
) qui tutoyaient les sommets, L’échange fait figure de brutal retour sur Terre. Tout ce qui faisait la grandeur des films précédents y fonctionne à
l’envers. L’ampleur du naufrage est criante si l’on compare en particulier L’échange à Mémoires de nos pères, avec lequel il partage sur le papier des convergences
certaines. Tous deux vont déterrer dans le passé américain une histoire où les abus du système mettent en péril le bien-être individuel d’un petit groupe d’anonymes – les soldats adolescents
envoyés comme chair à canon sur l’îlot d’Iwo Jima en 1945, le martyre d’une mère célibataire à Los Angeles en 1928, dont le fils disparaît et qui se retrouve persécutée par la police lorsqu’elle
ose dire que l’enfant qu’on lui ramène plusieurs semaines plus tard n’est pas le sien.


Autant Mémoires de nos pères faisait progresser sa cause avec délicatesse et en usant avec parcimonie de ses effets (images de synthèse au service de la représentation de
l’assaut, musique réduite à quelques notes jouées aux moments opportuns, scénario privilégiant les non-dits), autant L’échange oppose au pouvoir quasi-totalitaire de la police et
de l’administration de la ville, qui vise à écraser toute contestation citoyenne, une réponse tout aussi extrémiste et manichéenne. La faute en incombe principalement au scénario, qui fige les
protagonistes dans des comportements d’automates – la mère courage irréprochable, l’avocat pro bono contre les policiers et docteurs obtus et arrogants – dont la personnalité est
sacrifiée sur l’autel de la prééminence du message à faire passer. Rien n’est dit du cheminement qui a pu mener à un tel sentiment d’impunité au sein des forces de l’ordre ; du rôle influent
des médias ou de la religion (regroupés dans le personnage, bâclé, de John Malkovich) dans la lutte menée par l’héroïne ; ni même de l’intimité forcément déstabilisatrice vécue par cette
dernière en compagnie de l’enfant imposteur, partie introspective du récit qui aurait pu être passionnante mais se voit évacuée en un jet d’assiette contre un mur.


En prime, la multiplication des points de vue à laquelle s’adonne le film ne sert en rien à complexifier l’intrigue, mais au contraire à la maintenir à la surface des choses par le biais d’un
remplissage superficiel. Ainsi, et comme si l’utilisation des ficelles émotionnelles les plus grossières (l’héroïne sauvée d’un traitement aux électrochocs à la dernière seconde, alors que deux
scènes plus tôt un personnage secondaire n’a pas eu cette chance) n’était pas suffisante, aucune ellipse ne vient trancher dans des scènes de procès et autres flashbacks purement factuels, aussi
interminables que cousus de fil blanc.


Mais si le scénario a donc tout d’une purge, le traitement qu’en tire Eastwood n’est malheureusement pas exempt de reproches. En plus de ne pas décider de couper dans le – pas très – vif, le
cinéaste en rajoute dans la démesure. J’ai déjà évoqué la reconstitution visuelle surchargée de toutes parts ; la musique et même la mise en scène sont elles aussi le siège d’effets faciles
et lourdingues, qui rendent L’échange encore plus monolithique et insipide. Bien que sûrement plein de bonne volonté, Eastwood ne s’en est pas moins fourvoyé. Je comprends mieux
l’embarras de Sean Penn, lors du dernier Festival de Cannes, au
moment d’écarter l’un de ses maîtres et idoles d’un palmarès où il aurait voulu le voir figurer en bonne place : sur un thème très proche, son propre The pledge était
infiniment meilleur.

Une réponse à “L’échange, de Clint Eastwood (USA, 2008)”

  1. Zibeline dit :

    J’ai eu l’occasion de voir ce film cette semaine, je l’ai trouvé excellent, Angelina Jolie joue vraiment bien.