• District 9, de Neill Blomkamp (USA-Afrique du Sud, 2009)

Je like cet article sur les réseaux sociaux de l'internet!



Où ?

Au Max Linder

 

Quand ?

Mercredi, le soir de la sortie

 

Avec qui ?

Mon frère, et une salle bien remplie (mais pas autant que pour Inglourious Basterds, tout de même)

 

Et alors ?

 

Pour citer une critique lue ici, District 9 est effectivement
« le film que l’on a attendu tout l’été » ; un blockbuster inventif, malin, déroutant, visuellement novateur, impertinent. Enfin, il l’est pendant presque une heure. Alors
que l’été 2008 nous avait bien servis en la matière (Speed
racer
, Wanted, Hellboy 2), 2009 était jusqu’à présent d’une déprimante
médiocrité. Le miracle prend forme durant la montée en puissance de District 9, perle brute mondialisée qui nous vient d’un réalisateur sud-africain, Neill Blomkamp, et d’un
producteur néo-zélandais, Peter Jackson, qui se sont rencontrés lors du montage d’un projet pour un studio américain (l’adaptation du jeu vidéo Halo, qui a finalement capoté). Dans cette
bluffante première partie, Blomkamp mixe tout ce qui lui passe sous la main : Les fils de l’homme, La mouche, Forgotten silver (le faux
documentaire de Peter Jackson himself), Cloverfield, Diary of the dead… Chaque spectateur trouvera sûrement ses propres références à ajouter à cette liste,
tant District 9 apparaît comme un étonnant précipité de toute la culture geek – option science-fiction – et de toute la géopolitique modernes.

« Géopolitique » ? Gné ? Gné. Comme Les fils de l’homme, District 9 s’ouvre sur une situation mondiale irréelle pour nous, mais établie de
longue date pour les personnages. Un immense vaisseau alien est soudainement apparu au-dessus de Johannesburg un beau jour des années 1980. Ses occupants, du genre crétin et incapables de
redémarrer leur moyen de transport, ont été parqués sur la surface terrestre, dans un bidonville dont ils ont interdiction de sortir. L’intrigue du film se déroule le jour où une procédure
d’éviction est lancée à l’encontre de ceux que les humains surnomment les « Crevettes », afin de les parquer dans un camp de détention mieux bouclé et plus à l’écart des populations.
Sans chercher à faire dans la parabole explicite et polémique, Blomkamp émaille son film de quantité d’éléments de l’actualité sud-africaine – et mondiale, par extension : la ghettoïsation
radicale des défavorisés, le règne des gangs sur ces zones de non-droit et leurs trafics d’armes et d’organes, la militarisation de la société qui se trouve du bon côté de la barrière avec le
recours à des multinationales tentaculaires et à leurs mercenaires, et les milliers d’yeux des chaînes d’information en continu pour scruter le tout. Le choix du format du faux documentaire donne
encore plus de poids à cet alliage de la fiction la plus poussée et de la réalité la plus authentique. District 9 et son caméraman fictif se retrouvent ainsi dans une situation de
totale immersion dans l’action, avec pour conséquence une importance égale entre les images du premier plan et celles de l’arrière-plan, saturées à dessein en effets spéciaux discrets – le
vaisseau extraterrestre en suspension presque toujours dans le champ, des Crevettes qui se meuvent et agissent en liberté.

Ce premier acte du film est de plus porté par un personnage inoubliable, un antihéros formidablement stupide et nigaud : Wikus Van Der Merwe, fonctionnaire noyé dans le ventre mou de
l’organigramme de sa boîte et chargé de l’éviction des Crevettes. C’est avec une franche jubilation qu’on le suit dans sa « gloire » (dont personne d’autre n’est convaincu à part lui)
puis dans son calvaire une fois que les emmerdes lui tombent dessus. Blomkamp applique une remarquable urgence de série B fauchée sur la descente aux enfers de son héros, qui passe en un petit
quart d’heure de son quotidien tranquille à une situation de mutant cobaye torturé, puis en fuite. C’est La mouche en accéléré, et sans la moindre trace d’empathie envers le
protagoniste principal. District 9 combine pour cela le concept du film de Cronenberg avec la conduite de récit inventée par les auteurs de Cloverfield, qui pousse
la subjectivité et le temps réel jusqu’à ôter aux personnages toute possibilité de comprendre ce qui leur arrive.

Sauf que le film n’a en réalité pas le courage suffisant pour tenir cette ligne de conduite ambitieuse et captivante sur la durée. Les quelques fissures qui apparaissent dans la première heure,
sous la forme de scènes sortant du cadre du point de vue unique du faux documentaire, deviennent soudainement la norme à mi-parcours, une fois Wikus devenu un fugitif réfugié dans le bidonville
des Crevettes. District 9 s’aiguille alors sur les rails autrement plus balisés du film d’action ordinaire, sur tous les plans – dans les enjeux, les personnages, le règlement de
tous les conflits par la force bête et méchante. Profitant encore de l’élan initial du récit, les fusillades et explosions conservent dans un premier temps un intérêt certain grâce à de bonnes
idées telles l’irruption des armes aliens et l’infiltration dans les sous-sols secrets de la multinationale chargée de l’évacuation des Crevettes. Mais une fois cette source d’énergie épuisée,
Blomkamp part complètement en vrille avec un final bourrin et interminable, centré sur un duel entre un robot tout droit sorti de Transformers et un commando surarmé et exaspérant au
possible. L’explosion en vol de la belle mise en place de District 9 provoque surtout une grande frustration ; car il transparaît encore suffisamment de choses séduisantes
dans la seconde moitié du film pour laisser penser que le supplément de travail à fournir pour aboutir à un résultat brillant, scénaristiquement et visuellement, n’était pas franchement énorme.

District 9 nous laisse donc sur une impression incontestablement bonne, mais tout aussi incontestablement mitigée. Il continue à vivre en nous bien après la projection – ce qui
est loin d’être donné à tous les blockbusters estivaux – grâce à son inépuisable énergie, à son imagination et à un épilogue épatant qui permet au récit de trouver in extremis une raison
d’être au-delà du simple divertissement : le regard à la caméra de l’alien au milieu de la décharge apportant un point final à un mouvement d’ensemble qui aura fait passer les Crevettes du
statut d’amas animal informe et méprisable à celui d’êtres doués de raison, de sentiments, et en cela l’égal de nous. Pour la suite, il reste à Neill Blomkamp à régler son dilemme intérieur entre
intelligence et action bourrine (qui déséquilibrait déjà Alive in Joburg, son court-métrage dont est tiré District 9)… en espérant qu’il retombe du bon côté du filet.

 

Alive in Joburg :

 

 

Les commentaires sont fermés.