• Reporters saison 2 : le “24” français

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Où ?

A la maison, sur la VOD Canal+

 

Quand ?

Ces dernières semaines

 

Avec qui ?

Ma femme

 

Et alors ?

 


Dans sa première saison, la série Reporters créée par Canal+
avait plus séduit par son concept au fort potentiel (le quotidien des rédactions d’un journal papier, « 24 Heures », et du 20h d’une chaîne de télévision, « TV2F ») que par sa
mise en musique, laquelle restait un tantinet trop sage et appliquée. La commune, autre programme lancé au même moment par la même chaîne, était ainsi autrement plus ambitieux et
provoquant. Un peu trop, sûrement, puisque La commune n’a pas été reconduite alors que le bon élève Reporters, qui ne fait pas de vagues, a gagné le droit à une
deuxième saison… qui reprend – en partie – le flambeau sulfureux et radical de La commune. Bien que la plupart des protagonistes des premiers temps soit toujours là (on note
tout de même l’entrée en lice, à des postes très en vue, de deux nouveaux : Alexandre Marchand, l’envoyé spécial au Moyen-Orient de TV2F, et Serge Attal, co-directeur de la rédaction de 24
Heures parachuté par l’actionnaire majoritaire), Reporters réalise une mue spectaculaire tant sur le fond que sur la forme.

 

Sur le fond, le choix de s’inspirer de très près d’événements réels change du tout au tout la portée de la série. Les intrigues de couloirs et d’alcôves ainsi que les vies intimes des personnages
sont reléguées au second plan maintenant que déboulent ici une enquête sur un attentat perpétré contre un bus rempli d’ingénieurs aéronautiques français, là la révision du procès de Thierry Augé,
condamné pour viol et meurtre il y a dix ans de cela, sans preuves. Cette seconde histoire est directement inspirée du cas Patrick Dils (condamné à la prison à perpétuité pour un double meurtre
alors qu’il n’avait que 16 ans, et libéré quinze ans plus tard une fois son innocence finalement reconnue). La première, plus politique, exploite une actualité encore plus brûlante : celle de
l’attentat ayant coûté la vie à
onze français en 2002 à Karachi, et dont l’enquête a fortement rebondi ces derniers jours. Les circonstances du drame dépeint dans la série et les motivations politico-financières de ses
commanditaires, qui ouvrent sur une véritable affaire d’État remontant jusqu’à notre Premier Ministre (fictif), reprennent sans ambages les pistes actuellement retenues dans l’enquête réelle.
Dans les scènes consacrées à cette affaire, Reporters prend des airs de politique-fiction polémique et âpre, du genre qu’on n’a absolument pas l’habitude de voir dans l’Hexagone,
à la télévision aussi bien qu’au cinéma.

Ces deux histoires centrales étendent progressivement leur influence sur l’ensemble de la série, reliant avec une grande adresse les personnages et les lieux du récit entre eux. Le travail
d’écriture est considérable, et trouve son prolongement naturel dans un style visuel appliquant consciencieusement les règles mises en place par 24. Filmage à l’épaule qui n’offre
jamais de stabilisation, de répit, cadrages oppressants, progression en parallèle de plusieurs intrigues qui vont toutes plus vite les unes que les autres, usage immodéré des technologies de
communication modernes pour faire transiter les informations plus vite que les héros ne peuvent les suivre : il ne manque que les split-screens… et une maîtrise formelle suffisante
pour nous laisser pantelants et surexcités à la fin de chaque séquence d’action ou de poursuite. Reporters, comme tout ce que l’on produit de ce côté-ci de l’Atlantique (hormis
peut-être dans le film Nid de guêpes), reste insuffisant et a vite le souffle court dès qu’elle s’attaque à de telles scènes. Mais elle se rattrape sur le message qu’elle fait
passer, autrement plus appréciable que celui de son modèle américain conservateur. L’humanisme profond de Reporters – à travers le destin brisé de Thierry Augé – obscurci par
l’observation du cynisme généralisé (les tactiques et duperies politiciennes, la manière qu’ont tous les personnages d’exploiter constamment à des fins personnelles la tribune que représente leur
travail), fait tout autant plaisir à voir, et élève autant le spectateur, que le cadre de la politique-fiction.

Un petit regret ? Le dixième et dernier épisode. Reporters atteint son climax – tout à fait excellent – quelques mètres avant la ligne d’arrivée, dans l’avant-dernier épisode. Le
suivant n’a alors plus qu’à boucler les affaires en cours, bazarder les résidus et éteindre la lumière en partant. Ce qui, malgré un ultime coup de collier (les représailles françaises à l’attentat) est légèrement moins
captivant que le reste de l’expédition.

 

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