• Oblivion, de Joseph Kosinski (USA, 2013)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles

Quand ?

Mercredi matin, à 9h30

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Oblivion s’élance en prenant appui sur La planète des singes, avec comme décor une planète Terre dévastée par le recours à l’arme atomique. Ce premier emprunt à un jalon classique de la science-fiction sera suivi par d’autres, tout aussi nets (un peu de Star wars, pour des fragments ludiques surtout ; beaucoup de 2001 et de Philip K. Dick, références formant la charpente du récit) mais dont on ne peut préciser la teneur. Oblivion mise en effet grandement sur le dévoilement graduel du millefeuille de secrets et mensonges cachés sous la surface de son intrigue. Étant donné qu’il s’agit là d’un pari gagnant, qui contribue pour beaucoup au plaisir que j’ai pris à découvrir – au sens le plus fort du terme, pour le coup – le film, je laisserai les détails de son scénario dans l’ombre, et encourage vivement à aller le voir en en sachant le moins possible à son sujet. Hormis que le jeu en vaut largement la chandelle.

Oblivion place son réalisateur, Joseph Kosinski, dans les traces de cinéastes tels que Ridley Scott (en un sens Oblivion est le Prometheus de cette année, même s’il n’en a pas – et ne veut pas en avoir – l’ironie cassante) ou Luc Besson – celui du Cinquième élément. Ce dernier film et Oblivion ont une genèse similaire, de projet fou germé dans la tête d’un adolescent biberonné à la S-F, pensé pour des planches de bande dessinée et finalement matérialisé sur un écran de cinéma, car l’opportunité s’est présentée. De cette origine, les deux longs-métrages tirent les mêmes qualités puissantes et défauts plutôt accessoires. Dans cette seconde colonne on inscrit le traitement des personnages et de leurs sentiments, qui ne sont les uns comme les autres ni la priorité ni la tasse de thé de ces réalisateurs. Ils font de leurs protagonistes de simples locataires, sans influence réelle, du monde qu’ils ont confectionné ; et, comme corollaire de ce principe, ils laissent les acteurs se débrouiller pour l’essentiel seuls avec leurs rôles plus ou moins stéréotypés. Dans le cas d’Oblivion, cette impasse est accentuée par les traces voyantes de l’ingérence du studio dans le produit final : le monologue explicatif du début, le happy-end forcé sont des exemples patents de rustines auxquelles Kosinski n’a pas daigné ou pu s’opposer.

Mais dans l’ensemble, Oblivion sort assez nettement vainqueur du combat sempiternel entre l’inspiration des auteurs et les tentatives d’aseptisation et de simplification menées par Hollywood. Kosinski a gardé la haute main sur son univers de S-F cauchemardesque, à l’inhumanité prononcée, à l’ossature soignée et aux mystères préservés. Il sait que trop en révéler n’est jamais une bonne chose, et que la vraie réussite se présente lorsque l’on reste au plus près de son intrigue, en laissant les fondations les plus reculées dans l’ombre. Libre à l’imaginaire du public de spéculer à leur sujet, à partir des pans du tableau sur lesquels le scénario fait la lumière. Ceux-ci composent un chemin remarquable, très solide (une fois enclenchée, la mécanique des révélations douloureuses et renversantes ne souffre d’aucun accroc ou baisse d’intensité) et faisant pleinement sens. On sent que le cinéaste a bossé son affaire, pour rendre la narration à la hauteur d’une histoire qui lui tient à cœur.

Les thèmes centraux en sont les mêmes que ceux qui occupaient déjà son précédent Tron : l’héritage, signe d’un potentiel de vision d’auteur à suivre à l’avenir. La dilution de l’homme dans la machine, ce qu’il reste alors de l’humain, la désaffection pour l’existence corporelle sur la planète Terre que cette évolution entraîne avec elle, sont les questions qui passent d’un film à l’autre, et qu’Oblivion exprime plus clairement. Elles formaient déjà une grande part de la substance des œuvres dont Kosinski s’est inspiré, ce qui légitime pleinement son recours à ces références. Et elles se prolongent dans la direction artistique donnée au film, qui en tire une belle et forte cohérence. Son aspect visuel fait plus que nous épater, il nous affecte. Le design de chaque élément, immense ou petit, inerte ou animé, bon ou mauvais, a été pensé en accord avec sa fonction effective dans l’univers du film, et son rôle émotionnel dans le drame. La façade d’Oblivion est glacée, incommode à dessein. Ainsi la puissance immersive du voyage troublé et mélancolique auquel Kosinski nous convie est complète.

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