• Nouvelles séries américaines, collection automne-hiver 2011 (3/3) : Terra Nova

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Mise à jour du 06/03/2012 : Terra Nova est annulée par la Fox, et ne connaîtra donc pas de deuxième saison…

Quant à Terra Nova, qui n’a pas l’aura des deux autres et est la seule à n’avoir encore aucune certitude quant à sa reconduction pour une deuxième saison, elle mérite d’être soutenue – sauvée ? Survendue par son diffuseur français Canal+ comme « la nouvelle série de Steven Spielberg », lequel a en réalité suivi le projet de loin, Terra Nova a à ses commandes Brannon Braga, qui écume les salles d’écriture de séries tv depuis plus de vingt ans : Star Trek sous toutes ses formes, 24, dernièrement Flash forward pour laquelle Braga a déjà connu l’épreuve cruelle d’être éjecté de la grille des programmes au bout d’une unique année d’existence. En plus qu’il s’avère autrement plus vendeur, agiter le nom de Spielberg permet de faire un lien élémentaire avec Jurassic Park, en vertu de la présence dans Terra Nova de dinosaures. Le concept de la série est l’envoi de colons 85 millions d’années en arrière, à la faveur de l’apparition d’une faille temporelle, afin qu’ils refondent la civilisation humaine dans des conditions plus viables que celles qui sévissent en 2149 – version apocalyptique de maintenant en ce qui concerne la situation économique, policière et environnementale.

85 millions d’années, ça nous met en plein Crétacé ; à nous les gros dinos. Pas tant que ça, en fait, les auteurs du show ayant une vision un peu plus large et ambitieuse de leur sujet. Les dinosaures sont convoqués de temps à autre pour une poussée d’adrénaline, l’espace d’une course-poursuite ou d’un face-à-face, mais font rarement l’objet d’un épisode entier (la seconde moitié du pilote, le troisième épisode à la rigueur). Au sein de cet environnement qui s’est développé sans l’homme et lui est donc naturellement hostile ils ne sont qu’un danger parmi d’autres – maladies, parasites, conditions météo, etc. Terra Nova démontre à chaque fois un vrai savoir-faire de pros dans l’utilisation de ces aléas mettant en péril la survie de la colonie pour composer des scénarios d’aventures classiques mais efficaces. On les suit sans déplaisir. Mais surtout, la série se fixe très vite sur l’idée que le plus grand danger pour l’homme est l’homme lui-même. Ce n’est pas neuf non plus, mais ce n’est pas près d’être infirmé par les faits. Emergence d’un groupe de colons rebelles, corruption, jalousie, mensonges, appât du gain privé au détriment de l’intérêt général, détestations familiales : le programme des réjouissances est copieux, avec une accumulation d’épisode en épisode immoralement savoureuse. Ciblage grand public oblige, Terra Nova retombe le plus souvent in extremis sur ses pattes, mais son thème majeur est bien la déconstruction acerbe du mythe du fresh start, le nouveau départ sur une terre vierge en imaginant avoir ainsi laissé derrière soi tout ce qui envenimait la communauté et l’empêchait d’accéder à la pureté convoitée. C’est tout de même à rien de moins qu’au récit fondateur de l’Amérique que la série s’attaque, avec une réussite certaine.

Assurément, Terra Nova présente son lot de malformations peu discrètes. L’absence de personnages charismatiques vient en tête de liste, et il faut faire l’effort de passer outre la galerie de figures fades ou têtes à claques pour voir que c’est le tableau d’ensemble (un groupe faisant le rêve puéril d’un simili-Disneyland et se mettant lui-même en permanence des bâtons dans les roues dans l’accomplissement du projet) qui compte, pas les destins individuels. Terra Nova pompe ouvertement sur Lost – bien plus que sur Jurassic Park – mais c’est un Lost sans Locke, Sawyer, Ben, ou même Hugo dans le registre comique. Cela reste un bon travail de copiste, bien plus qu’un ersatz. Tout d’abord car il y a pire comme référence, et parce que le décalque est exécuté avec talent et discernement : la lutte entre deux camps traités équitablement, l’intégration d’éléments de S-F (tel le portail temporel), l’importance donnée à la géographie des lieux (avec l’existence d’avant-postes dans la jungle qui rappellent furieusement les stations Dharma…) sont autant d’éléments de valeur.

Il arrive même que l’élève dépasse le maître, comme avec cette géniale ellipse opérée au tout début du double épisode venant clore la saison. Les auteurs de Lost excellaient dans l’art de nous faire croire que leurs fins de saisons allaient porter sur un événement, pour mieux l’expédier dans les premières minutes et en développer les conséquences immédiates. Ceux de Terra Nova font plus fort encore, en zappant purement et simplement le dit événement par un flash forward nous projetant trois jours plus tard, de l’autre côté du miroir, dans le reflet inversé du paradis auquel les héros aspirent. La colonie devient une prison, l’autogestion paisible un régime autocratique et militarisé. Le cauchemar ne dure pas, mais il donne une bonne idée de ce que la série a dans le ventre. Et les pistes alléchantes d’ors et déjà ouvertes pour l’hypothétique deuxième saison laissent à penser que celle-ci serait aussi solidement menée que la première, avec aussi peu d’hésitations.

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