• Non ma fille, tu n’iras pas danser, de Christophe Honoré (France, 2009)

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Où ?

A l’UGC la Défense

 

Quand ?

Mardi soir, à 20h, en avant-première

 

Avec qui ?

Ma femme

 

Et alors ?

 

S’il n’en avait pas marre – à juste titre – d’être considéré comme un jeune simplement parce qu’il n’a pas de cheveux blancs et qu’il fait des films avec des jeunes, on pourrait utiliser au sujet du dernier long-métrage de
Christophe Honoré l’expression « crise de croissance ». Non ma fille, tu n’iras pas danser expose en effet à l’écran comme peu d’autres films les tâtonnements et
tergiversations d’un réalisateur confronté à la crainte de ne plus être capable que d’un seul style, une seule recette. La courte première scène a à ce titre une valeur très symbolique : on
fait connaissance de l’héroïne Léna et de ses deux enfants, Anton et Augustine, Gare Montparnasse, alors qu’ils sont en partance pour la maison des parents de Léna, perdue au cœur de la Bretagne.
Quitter Paris, qui était bien plus qu’un anonyme décor aux trois précédents films d’Honoré qui ont fait sa renommée (Dans ParisLes chansons d’amourLa belle
personne
), pour voir ailleurs si l’herbe est plus verte et les drames différents d’une manière ou d’une autre, voilà le programme de la première moitié de Non ma fille….

En plus de ses parents, Léna retrouve là-bas sa sœur enceinte et elle aussi déjà mère, son frère amoureux et sa petite amie, le père de ses enfants dont elle est en train de divorcer et que sa
mère a invité à son insu, un prétendant désirant vivre avec elle une histoire principalement sexuelle… Cette première partie évoque furieusement Un conte de Noël d’Arnaud Desplechin, même si Honoré jure
n’avoir vu ce dernier qu’après l’écriture. On y retrouve en particulier une même démesure du décor (l’immense maison de famille chez Desplechin, la nature foisonnante et affranchie de toute
présence humaine ici), qui absorbe sans l’étouffer complètement la surabondance de personnages, de confrontations entre eux, et des récits potentiels que chacun porte en soi. Toutes les pistes
semblent alors envisageables, et sont traitées comme telles par le scénario.

Mais alors que ce chaos incompressible était étiré sur tout un film dans Un conte de Noël, jusqu’à en devenir le sujet dissimulé et le ressort fascinant, Honoré débranche
brusquement la prise et s’engage dans une autre voie – puis une troisième. Il est dès lors compliqué de donner un avis tranché sur la première partie de Non ma fille…, tant
celle-ci est stoppée net par un intermède rohmérien : une ancestrale légende bretonne contée à Léna par Anton, qui prend vie à l’écran avec autant d’aplomb et d’innocence que
Les amours d’Astrée et Céladon. La jeune et
farouche Katell n’aime que la danse et n’acceptera d’épouser qu’un homme qui sera capable de la faire tournoyer douze heures durant. Tous ses prétendants meurent d’épuisement, jusqu’à l’arrivée
du diable qui accomplit la prouesse requise par Katell – et prend la vie de cette dernière. Non ma fille… trouve trois choses dans cette belle séquence. Un fil directeur : la
pression sociale qui pèse sur les femmes depuis la nuit des temps, les clouant au pilori dès qu’elles expriment des désirs personnels, égoïstes. Un héros, discret : Anton, qui est le
véritable protagoniste central du film, plus encore que sa mère (j’y reviens plus loin). Et un joli tour de passe-passe : car immédiatement après cette suspension, une ellipse brutale ramène
l’intrigue à Paris, où elle se dénouera en comité autrement plus restreint.

 

Après Desplechin, et Rohmer, Honoré s’inspire dans ce dernier acte de… Honoré. L’affaissement dans la dépression de Léna, obligée de subir une cohabitation humiliante avec ses parents en même
temps que l’exemple resplendissant de réussite insouciante de sa petite sœur, ressemble comme deux gouttes d’eau à la situation endurée par le personnage de Romain Duris dans Dans
Paris
. Elle n’en est pas moins intéressante et émouvante, grâce à l’interprétation de Chiara Mastroianni et au talent d’écriture de Honoré – dont on sent qu’il maîtrise désormais
pleinement l’écriture cinématographique. Le point de vue du film est ainsi subtilement et habilement désaxé pour être ni omniscient, ni celui de Léna, mais celui d’Anton. Il est le déclencheur
invisible de plusieurs scènes-clés (l’ouverture et la fermeture, le récit du conte breton), et l’observateur lucide et silencieux de nombreuses autres. Comme les autres cette piste est bien
écrite, pleine de promesses ; mais n’est pas exploitée pleinement. Au final, Honoré n’arrive pas à nous convaincre que sa conclusion vertigineuse car libératrice, et inversement, n’aurait
pas pu tout autant se produire à un quelconque autre moment du film. Si ce n’est en considérant qu’elle représente pour lui, comme pour son héroïne, une manière abrupte de mettre un terme –
temporaire – aux doutes et aux contradictions. Auxquels il aura assurément à se confronter de nouveau dans son prochain projet.

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