• Le traumatisme du threesome et de l’orgasme féminin : American trip, de Nicholas Stoller (USA, 2010)

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trip-1Où ?

Au cinéma La Bastille, à… Bastille (je n’y étais jamais allé)

Quand ?

Mardi soir, à 22h

Avec qui ?

MaFemme

Et alors ?

 

La rock star britannique 50% trash et 50% sex-appeal Aldous Snow était l’idée géniale du film  Forgetting Sarah Marshall, le second rôle qui
ravissait la vedette (pas difficile, entre le patapouf Jason Segel et les rôles féminins sous-écrits) et transformait une comédie romantique bateau en quelque chose d’un tant soit peu mémorable.
Le clip de sa chanson We’ve got to do something est tout bonnement inoubliable.
L’acteur derrière le personnage, Russell Brand, a décroché une promotion en devenant co-star de cet American trip, qui associe à Aldous Snow un larbin de maison de
disques (Aaron / Jonah Hill) chargé de le faire venir de Londres à Los Angeles pour un concert, avec une escale prévue à New York pour une émission de télévision. Le démarrage du film est
laborieux, avec des blagues qui ne décollent pas (hormis quelques beaux échanges caustiques entre Aaron et sa copine Daphné jouée par Elisabeth Moss de Mad Men) et une mise en
scène scotchée à l’échelon zéro – London calling pour accompagner l’arrivée d’Aaron à Londres, des montages de clichés touristiques pour présenter visuellement cette ville ainsi que New
York.

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La mayonnaise commence à prendre dès lors qu’Aaron entame une consommation à haute dose d’alcools et de drogues en tous genres ; l’opposition de style stérile entre lui et Snow laisse alors
le champ libre à une conjonction de vues et de modes de vie, qui agit comme un tremplin pour le scénario. Les deux héros sont maintenant alliés pour saboter tout ce qui passe à portée – leurs
nuits de sommeil, leurs vêtements, un embarquement d’avion, le passage à la télé de Snow, le couple de Aaron – et en se mettant dans leur sillage Stoller peut du coup se lâcher à son tour. Les
gags deviennent plus crus et plus mordants, la réalisation et le montage osent des effets qui se remarquent, les comédiens peuvent s’exprimer pleinement : Brand déroule avec aise la liste
infinie des excès et provocations perpétrés par cet alter-ego qu’il maîtrise sur le bout des doigts, Hill tire profit d’un personnage caméléon (un coup grisé d’être partie prenante des événements
destroy, un coup paniqué par le tour qu’ils prennent) pour exploiter d’autres facettes de son potentiel comique jusque là plus axé sur des rôles méchants – Supergrave, Funny people.

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American trip atteint un premier climax lors de son détour non prévu par Las Vegas, qui est pour une fois traitée non pas comme une indolore soupape de sécurité
à la triste vie d’américains moyens, mais comme la sin city qu’elle est. La nuit passée à Vegas est saturée en sexe, en drogues, en sang, en antagonismes profonds entre les personnages.
La réaction chimique naturelle causée par l’agrégation de tous ces éléments sous leur forme la plus pure dans un endroit confiné (une chambre d’hôtel) est une déflagration monumentale de mauvais
esprit et de violence. Le film a alors comme ascendant direct le honni Fear and loathing in Las Vegas, dont il est
une déclinaison plus ouvertement drôle – on est plié en deux dans son siège du début à la fin de la séquence. On l’est à nouveau quelques minutes plus tard, quand sur sa lancée
American trip entreprend sans prévenir une partie de jambes en l’air à trois entre Aaron, Daphné et Snow. Le threesome du titre de cet article. Initialement
brillant : aussi drôle que les scènes qui précèdent, libéré, et qui permet même au personnage féminin de finalement exister. Elle a même le droit pour l’occasion à un orgasme.

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Et puis vient le renversement de situation – le coup du lapin plutôt, tant il est brutal et tétanisant. Soudain, en plein milieu de l’action, le threesome ne devient plus du tout
acceptable et à partir de là le revirement moralisateur ne connait plus de limite : c’est toute la vie de rock star de Snow qui est dénoncée puis karchérisée, pour mise en péril de
l’existence pavillonnaire neurasthénique du couple de « héros ». Les films qui brossent le public dans le sens du poil au cours d’un happy-end édifiant, pour faire passer la pilule des
choses borderline exhibées auparavant, sont monnaie courante à Hollywood. Mais peu vont aussi loin dans le repentir bienpensant que American trip, qui va jusqu’à
transformer son rocker en un toutou tenu en laisse par la middle class, et les épisodes troubles de son passé en une chanson qui les raille et les solde. Les personnages y perdent toute
crédibilité, en niant d’eux-mêmes leurs aspirations de la veille, de Snow soudain montré comme victime du système à Daphné privée du droit au plaisir qu’elle réclamait à juste titre. Que le
retour à l’ordre vertueux se mette en branle au moment précis où cette dernière avait obtenu d’être en position privilégiée, en ayant deux hommes pour lui faire l’amour et en jouissant
littéralement de cela, est éloquent : le rock n’est pas un danger en raison de ses accointances avec la drogue ou la violence, mais avec le plaisir féminin. Un vrai american trip,
en effet.

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