• Le nouvel âge d’or de la comédie hollywoodienne se porte bien, merci pour lui : Délire express, de David Gordon Green (USA, 2008)

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Où ?

A l’UGC Orient-Express bien sûr, l’un des deux seuls cinémas de Paris à passer le film (et où survit également Step brothers)

Quand ?

Dimanche matin, à 10h15

Avec qui ?

Ma femme, et une vingtaine de spectateurs (dont aucun n’est parti en cours de séance)

Et alors ?

A l’occasion de ma critique de Step brothers lors de sa sortie aux USA en juillet dernier, j’avais écrit que ce film augurait de l’apparition d’un trio comique magique qui allait
sûrement régner sur l’été américain. Ce fut le cas, puisqu’aux 100 millions de dollars de recettes de Step brothers succédèrent les 110 millions de Tropic thunder et les 85 de ce Pineapple
express
(Délire express en français, oublions). Des trois, seul le vrai-faux film de guerre de Ben Stiller a bénéficié en France d’une diffusion honnête, pour une simple
histoire de notoriété : les deux autres membres du trio, respectivement portés par les trios Will Ferrell – John C. Reilly – Adam McKay et Judd Apatow – Seth Rogen – James Franco, ne sont ni
moins bons ni moins accessibles. D’ailleurs, il n’y a pas si longtemps Ben Stiller lui-même souffrait d’un tel anonymat chez nous : son mythique Zoolander était sorti sur un
nombre de copies tout aussi restreint qu’un Pineapple express.


Ces trois films ont bien plus en commun qu’un succès commercial contigu. Ils dressent tous un portrait remarquablement semblable du héros comique moderne, portrait dont les grandes lignes avaient
déjà été tracées par les mêmes acteurs / producteurs / scénaristes ces dernières années, de Rois du patin en Supergrave. Alors, à quoi ressemble-t-il ce héros
comique moderne ? Déjà, il n’est pas beau – voire même enlaidi délibérément, à l’image de James Franco ici qui, caché sous son pyjama informe, sa coiffure à la Bjorn Borg (bandeau compris)
et ses yeux rougis par les volutes de marijuana, n’est que l’ombre du bad boy glamour des Spider-man. Par ailleurs, quand le héros comique moderne a un boulot (ce qui
n’est pas toujours le cas), celui-ci n’est ni satisfaisant ni enrichissant. Les acteurs méprisés et souffre-douleur de Tropic thunder peuvent le confirmer, de même que Dale, le
héros huissier de justice de Pineapple express obligé de se déguiser pour que les insultes lui tombent dessus après qu’il ait
remis en mains propres les assignations à comparaître dont il a la charge.


Enfin, le nouveau héros comique creuse le filon ouvert par Jim Carrey il y a une quinzaine d’années jusqu’à en faire une tranchée imprenable : il est fondamentalement, irréductiblement,
stupide et infantile. Mais il s’agit désormais d’un choix réfléchi et assumé, dans un cas de la part de la superstar de Tropic thunder dont le rôle le plus intense est de jouer le
« full retarded » (débile profond), dans l’autre du duo de Step brothers qui restent ainsi peinards chez papa-maman, et ici dans Pineapple
express
d’un autre duo qui s’a(ban)donne volontiers à la fumette pour faire abstraction du monde extérieur. On est donc aux antipodes des canons de réussite sociale et plastique dont
Hollywood est d’ordinaire si friand, en particulier depuis les années 80. Et pourtant, ces protagonistes comiques ont pour revendication principale le droit à des aventures tout aussi furieuses
et périlleuses que leurs antithèses. Pour cela, ils n’hésitent pas à faire main basse sur des genres extrêmement calibrés, voire cadenassés – et qui ont sans surprise eu eux aussi leur heure de
gloire (au sens commercial et non qualitatif du terme) dans les années 80, tels la success story (Step brothers) ou le film de guerre (Tropic thunder).


Dans Pineapple express, c’est le film d’action viril qui est pris d’assaut. La virtuosité langagière poussée jusqu’à l’éreintement et l’ode à la sous-culture ne sont donc plus
complices d’un propos humaniste et tendre comme dans les précédentes productions Apatow (Supergrave, En cloque mode d’emploi) ; elles viennent se
heurter frontalement à la brutalité et à la crudité des nombreuses fusillades et scènes de combat à mains nues. Cette faille permanente et jamais résorbée – les antihéros ne quittent pas leur
peau de ratés pour devenir de véritables action heroes – entre les deux composantes du film rend Pineapple express fascinant. Ce dernier prouve par l’exemple la
possibilité d’une juxtaposition cinématographique improbable, semblable à celle entre huile et vinaigre. Il ne renonce jamais ni à faire mal, par son scénario (les scènes d’action vont crescendo,
avec gerbes de sang et coups qui font sentir la douleur), ni à être hilarant, par ses personnages – en se concentrant sur les effets de la drogue (capacités intellectuelles réduites, paranoïa
inversement décuplée) chez Dale et Saul. Ce postulat de base, à l’image de l’âge mental des héros de Step brothers, devient vite une source intarissable de gags, bons mots et
autres digressions comiques (la nuit passée dans les bois, qu’il faut admettre comme étant fabuleuse de connerie) mémorables.


Il y a du Tarantino dans cette façon bravache de mener de front
plusieurs ambitions antagonistes. L’épilogue de Pineapple express, dans un diner de bord de highway, fait d’ailleurs énormément penser à l’ouverture/conclusion
de Pulp fiction. Apatow & co. sont en apparence moins ambitieux que Tarantino : ils n’ont pas comme ambition déclarée de réinventer des genres, juste celle de tourner des
comédies comme ils l’entendent. Cette modestie ne change rien à l’affaire, car ce que propose Pineapple express dans la foulée de ses prédécesseurs est bel et bien une révolution,
qui fait passer la comédie d’un statut inférieur aux autres genres à un rôle supérieur, central. La victoire du duo interprété par James Franco et Seth Rogen (*) se fait sur tous les
plans : malgré (ou grâce à) leur ânerie affirmée, leur indolence, leurs not so good looks et leur absence complète d’ambitions matérielles, ce sont eux qui mènent la danse en tant
que personnages, qu’acteurs, que créateurs. Parfaitement accordés à leur époque, où n’importe qui peut devenir une star à la TV (la téléréalité) comme au cinéma (la mode des films en caméra subjective), leur règne comique à eux et aux autres, Stiller,
Ferrell, Black, en tant que meneurs et commentateurs de cette tendance de fond ne fait que commencer.


(*) : coscénariste, comme il l’était de Supergrave, et acteur principal, comme il l’était de En cloque…, capable d’écrire et de jouer sur tous les
registres comiques, du plus posé au plus dément, Seth Rogen n’est pas un futur grand mais un déjà grand.

Une réponse à “Le nouvel âge d’or de la comédie hollywoodienne se porte bien, merci pour lui : Délire express, de David Gordon Green (USA, 2008)”

  1. coralie dit :

    « couscous… the food so good they named it twice »