• God bless america, de Bobcat Goldthwait (USA, 2011)

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Où ?

Au Max Linder Panorama

Quand ?

Jeudi soir à 20h, avant-dernière séance du film (remplacé le lendemain par Skyfall)

Avec qui ?

MaBinôme

Et alors ?

Le pitch de God bless america est une fausse bonne idée et un vrai cul-de-sac. Avec un être aussi aigri et rigide que Frank comme clé de voûte de son récit, on va où, on fait quoi ? Frank commence le film avec une antipathie généralisée du monde et des êtres qui l’entourent, un argumentaire déjà solide pour étayer ce sentiment, et un plan concret pour agir en conséquence – le meurtre à répétition. L’impasse est autant narrative (que reste-t-il à construire autour d’un tel personnage ?) que morale – par quel versant aborder Frank pour donner malgré tout envie au public de le suivre ? God bless america avait mille façons de se planter. Et une seule de s’en sortir indemne, qu’il a la bonne idée d’adopter. Cette solution passe par un chemin ingrat, qui exige de tourner le dos à tout le confort usuel du cinéma indie américain. Le réalisateur Bobcat Goldthwait s’est appliqué à ne rendre son film ni cool, ni romantique, ni utopiste. Il ne s’affilie à aucun maître, quand bien même les offres sont nombreuses. Des échos d’œuvres célèbres telles que Tueurs nés, Bonnie and Clyde, The Truman show percent inévitablement ça et là dans les marges du récit, tant celui-ci s’inscrit dans un cadre familier – critique acide des mass media et de la débilitation du public, doublée d’une cavale meurtrière résolument sans foi ni loi. Mais tous ces films, les bons comme les mauvais, ont un horizon de pure fiction, quand Goldthwait se veut plus en phase avec la réalité de son temps. Il refuse de porter un message illusoire, qui présumerait qu’un autre rapport de force culturel est possible.

Le résultat à l’écran est aussi foncièrement déceptif qu’honnête. Car dépeindre les deux personnages principaux (Frank, et la lycéenne Roxy qui se joint à lui après son premier fait d’armes) sous quelque forme engageante que ce soit, tueurs charismatiques, antihéros maudits, individus providentiels, aurait été mettre le doigt dans l’engrenage des codes du système que God bless america veut précisément attaquer. Goldthwait choisit l’intégrité un peu terne plutôt que la séduction clinquante, et les lacets ambigus plutôt que la ligne droite facile à cerner. Il garde une réserve vis-à-vis des agissements de Frank et Roxy, à tous les stades de leur développement. En amont, il est bien clair que lui et elle n’ont en réalité que peu de choses en commun en dehors d’un ennemi honni. Frank penche plus du côté d’un discours réactionnaire sur la perte des valeurs, quand Roxy enfile le costume de l’adolescente rebelle rêvant de faire voler en éclat le système, façon Fight club pris au premier degré. Leur alliance n’est que de circonstance, reposant presque sur un malentendu, se brisant à la première difficulté. De plus leurs monologues emportés sur l’état du monde ne sont jamais pleinement convaincants, mais achoppent toujours sur une carence dans le raisonnement. Dans l’instant présent, on voit le duo construire son aventure en tâtonnant, sans vraiment contrôler ce qui lui arrive. Ce qui donne à God bless america un rythme cagneux, claudiquant, fait de percées et de rechutes. Frank et Roxy ne se voient pas gratifier d’une cohérence venant sublimer leur destinée. Ils tuent au hasard des circonstances, recommencent sans cesse de zéro leur entreprise de purge de la société, qui ne prend du coup jamais la moindre ampleur.

Enfin, en aval le film ne récompense logiquement d’aucune façon ses deux protagonistes. Ils ne finissent ni leaders porteurs d’un nouvel espoir, ni martyrs d’une cause, ni même fugitifs trouvant une issue rien qu’à eux pour vivre à l’écart de la cause de leurs tourments. Ils ne suscitent aucune lame de fond conséquente dans l’opinion, que ce soit en leur faveur ou l’inverse. La révolution reste très loin, puisqu’ils n’ébranlent aucunement le système médiatique dominant mais restent tout à fait assimilables par celui-ci. Les échos que l’on en a indiquent en effet que ce que Frank et Roxy font est récupéré, et déformé, pour servir des intérêts autres, solidement établis ; soit le reflet sincère de ce à quoi l’on assiste quotidiennement de notre côté de l’écran. Loin de se leurrer (et nous avec lui), God bless america est conscient qu’en l’état actuel des choses la révolte culturelle frontale est une impossibilité, qui ne peut que mal finir pour celui qui s’y essaye. Constat cruel mais lucide.

Une réponse à “God bless america, de Bobcat Goldthwait (USA, 2011)”

  1. dasola dit :

    Bonsoir, ce n’est pas révolutionnaire mais le film est assez culotté. La fin est logique mais en attendant, nos deux héros se sont bien amusés. Bonne soirée.

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