• Ernest et Célestine, de Benjamin Renner, Stéphane Aubier & Vincent Patar (France, 2012)

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Où ?

A Cannes, et à l’UGC Normandie (l’une des deux seules salles à proposer des séances en soirée à Paris)

Quand ?

En mai, et vendredi soir

Avec qui ?

Seul, et MaBinôme

Et alors ?

Ernest et Célestine a d’une certaine manière obéi à une logique de studio dans sa conception, en assemblant une équipe « all star » : à la genèse du projet, des héros d’albums réputés de bande dessinée (un gros ours gourmand et une petite souris futée) ; Daniel Pennac se charge de l’écriture de ce prologue de leurs aventures ; SutdioCanal coproduit et distribue ; Lambert Wilson prête sa voix à Ernest ; et les créateurs du fantastique Panique au village réalisent, en collaboration avec le prometteur débutant Benjamin Renner. Comme un grand film de studio, Ernest et Célestine tire le meilleur de tous ces moyens et talents, et aboutit à un résultat jubilatoire. Un bonheur sans nuages pour tous les âges, où la perfection est de rigueur à tous les niveaux. De la première à la dernière minute on s’émerveille de la finesse du dessin, on se régale de l’inventivité de l’univers élaboré, on rit du doigté de l’humour déployé. Par-dessus tout, on devient grands amis avec Ernest et Célestine, qui forment le duo le plus adorable de cette année cinéma sur le point de s’achever.

Avec la complicité de Pennac et le concours de Renner, Stéphane Aubier et Vincent Patar ont reproduit ici ce qu’ils savent faire de mieux, et qui donnait déjà tout son sel à Panique au village. Ils créent des mondes en miniature, de pures vues de l’esprit où les logiques narrative et formelle se télescopent, et qui sont à la fois assez structurés pour fonctionner et suffisamment dépouillés pour laisser une place de choix à l’absurde. Pour Ernest et Célestine, ils ont extrapolé l’équation simple de départ et imaginé, autour de l’amitié singulière entre un ours et une souris, deux sociétés miroir l’une de l’autre. Elles ont en commun une même laideur, venant de leur posture rigide arc-boutée sur une somme de préjugés, de peurs institutionnalisées et d’ambitions arides – le profit, le maintien de l’ordre établi. Le monde des ours et celui des souris forment concrètement un écosystème uni, et pourtant en surface chacun laisse prospérer une haine virulente de l’autre. Dans ce contexte le rapprochement d’Ernest et de Célestine, qui se découvrent âmes sœurs, aussi en phase l’un avec l’autre qu’ils sont en rupture avec leur communauté d’origine, n’est plus simplement insolite ; il est révolutionnaire, car inacceptable au regard de la norme.

Ernest et Célestine entremêle à merveille son message, plein d’intelligence et de douceur, avec son premier degré de lecture. Le divertissement offert est inlassablement joyeux et entraînant, tout dans le film étant source de gags et d’ébahissements : les deux cités, leurs habitants hauts en couleur, les péripéties rocambolesques qui émaillent l’aventure des héros. Cette effervescence et le mouvement grisant qui en découle n’étouffent jamais le propos malicieusement politique. A l’opposé des œuvres qui pensent que tous publics rime avec décérébré (ou pire, conservateur), Ernest et Célestine milite énergiquement et habilement pour un ensemble d’aspirations que rien ne devrait pouvoir empêcher d’être des droits, pour les ours, les souris et les humains. Pouvoir vivre en marge du modèle dominant si étriqué, pouvoir faire passer l’art avant le reste, pouvoir aimer qui bon nous semble. Sur ce dernier point en particulier, la nécessité d’appuyer la revendication est rendue encore plus nette par le combat d’arrière-garde mené en ce moment même par certains contre le mariage pour tous.

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