• Cycle Palmes d’or : MASH, de Robert Altman (USA, 1970)

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Quelle année ?

1970

Quoi de spécial ?

Après son interruption en mai 1968, et au milieu de la Guerre du Vietnam et des mouvements protestataires qui parcourent le monde, le Festival de Cannes décerne pendant plusieurs années la Palme
à des films en phase avec leur époque – dont MASH

Et alors ?

« Suicide is painless… it brings on many changes » (!) : dès la chanson d’ouverture, une fausse ballade folk qui copie les vraies de l’époque, le ton de MASH
est donné. L’impertinent et libéral – hormis son dernier, tous ses films auront été à contre-sens de l’Amérique républicaine bien-pensante – Robert Altman ne va pas retenir ses coups contre la
guerre du Vietnam qui fait alors rage. Le placement officiel du récit en Corée ne trompe personne, surtout qu’hormis un rapide texte déroulant en ouverture du film rien n’est fait pour étayer cet
arrière-plan.

D’un bout à l’autre des aventures des docteurs et infirmières de la 4077è unité MASH (Mobile Army Surgical Hospital), l’armée en prend tout autant pour son grade que la société
américaine dans son ensemble. Les 2 personnages principaux, Hawk-eye (Donald Sutherland) et McIntyre (Elliot Gould), et tous ceux qui sont prêts à les suivre dans leurs mauvais coups servent de
1ère ligne à Altman dans son entreprise de ruer sans ménagement dans les rangs des bigots, des coincés, des foules bêlantes et abêties. La méthode ? Une succession de saynètes inoubliables
et délirantes, depuis l’expulsion du camp à force de harcèlement du béni-oui-oui Burns (Robert Duvall) à un voyage express au Japon pour sauver le fils d’un député – et beaucoup jouer au golf -
en passant par un pari sur la qualité de vraie blonde ou non d’une fille et par la mise en scène d’un faux suicide.

Servi par des numéros d’acteurs épatants, MASH multiplie les assauts contre les soi-disant bonnes mœurs, les croyances religieuses, l’obéissance à l’ordre établi – et honni.
L’accumulation de ces attaques en biais forme un message politique cohérent, sincère, survolté et toujours aussi salvateur 40 ans plus tard. Le fin du fin est atteint dans le 1/4 d’heure final,
sous la forme d’un match de football américain qui dévoie tout ce qu’il est possible de dévoyer. Les 2 compagnies (de la même armée) qui s’y affrontent enchaînent les coups bas et tricheries, sur
fond de paris d’argent et de femmes réduites au statut de pom-pom girls décérébrées.

La Palme d’or obtenue par le film est donc en bonne partie politique ; mais elle comporte aussi des raisons cinématographiques non négligeables. MASH rue tout autant dans les
brancards de l’ordre établi du cinéma de l’époque, avec son récit erratique sans introduction (on est tout de suite plongé au cœur de la vie du camp) et sans enjeux dramatiques. Le tout étant
volontairement suralimenté en personnages, informations dans le cadre, dialogues qui se chevauchent et blagues qui en font autant – les annonces surréalistes passées via les hauts-parleurs du
camp, le personnage de l’aide de camp du colonel qui dit ce que ce dernier va dire une demi-seconde avant lui… Autant de choses qui contribuent
à créer une ambiance hystérique, de blague potache jubilatoire, que l’on prend plaisir à revoir et redécouvrir encore et encore.

Enfin, il faut noter qu’en son temps MASH a innové sur bon nombre de choses. Altman y est l’un des premiers (le premier ?) à recourir à l’auto-référence, dans les génériques
de début (la chanson Suicide is painless, qui est composée plus tard par un personnage du camp) et de fin (qui prend la forme d’une annonce d’un film diffusé au camp parmi d’autres films
de guerre). Plus important encore, il attaque frontalement la censure en tournant des scènes d’opérations chirurgicales sanglantes de manière quasi-documentaire, et en développant dans la plupart
des séquences et des motivations des héros un humour salace direct, sans aucun recours à des doubles sens. Le « we want sex ! » beuglé par McIntyre à travers le camp en
est la meilleure illustration.

Les bonus de l’édition double DVD sont à la fois très bons et mauvais. Très bons, car on y apprend quantité d’informations sur la réalisation du film, les méthodes d’Altman et sa façon de passer
inaperçu des producteurs, lui et son projet rebelle. Mauvais, car les 6 suppléments (un commentaire audio, un livret papier, et 4 documentaires) répètent tous les mêmes choses…

 

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